lundi, 05 septembre 2016 04:48

Jean ADOLEHOUME, DRH de CIMTOGO : « Au Togo c’est l’Etat qui fixe le prix du ciment »

    Jean ADOLEHOUME, DRH de CIMTOGO : « Au Togo c’est l’Etat qui fixe le prix du ciment »

    ©Afreepress-(Lomé, le 05 septembre 2016)- Le ciment, un matériau important dans la construction d’ouvrages d’art en tous genres est au centre d’une bataille commerciale au Togo. Le pays a un besoin annuel de près de 1.250.000 tonnes de ciment pour satisfaire la demande locale, ce que les trois cimenteries implantées arrivent à satisfaire et même avec un important excédent rapporte, Jean ADOLEHOUME, Directeur Administratif et des Ressources Humaines à CIMTOGO.

    « Les trois cimentiers du Togo ont une capacité de production de près de 2 millions de tonnes par an auxquelles vont s’ajouter à partir du 1er trimestre 2017 les 250 000 tonnes annuelles de CIMTOGO Kara. Le marché togolais du ciment est bien couvert déjà », indique-t-il dans une interview accordée à l’Agence de presse Afreepress.

    Pour celui-ci, l’arrivée sur le marché d’un concurrent étranger n’ayant créé aucun emploi dans le pays et de surcroit, bénéficiant d’importantes exonérations de taxes dans son pays d'origine qui est le Nigeria, viole les règles de concurrence et met à mal les entreprises locales. Raison pour laquelle il lance un vibrant appel à l’endroit des autorités en charge du commerce et de l'industrie au Togo à prendre des mesures urgentes pour redresser la barre et sauver des centaines d’emplois locaux qui sont menacés à cause de cette concurrence qu’il qualifie de « déloyale ».

    Lisez plutôt.

     

    Afreepress : Bonjour Monsieur Jean ADOLEHOUME.  Comment se porte votre société CIMTOGO après l’irruption sur le marché togolais des produits DANGOTE ?

    Jean ADOLEHOUME : Comme nous avons coutume de le dire « CIMTOGO était là avant ses concurrents et CIMTOGO sera là après ses concurrents ». Le Ciment TORO reste le leader.

    Les produits de CIMTOGO sont-ils conformes aux normes de qualité exigés sur le plan mondial ?

    Jean ADOLEHOUME : Affirmatif ! Le ciment de CIMTOGO respecte les normes internationales puisque les standards utilisés sont les standards européens que ce soit en matière de qualité technique ou de respect des normes environnementales, ce qui n’est pas forcément le cas des produits de ses concurrents. CIMTOGO, entreprise togolaise citoyenne fait partie du groupe allemand HEIDELBERGCEMENT qui est le N° 2  mondial en matière de production de ciment, N°1 en matière d’agrégats et N°3 en matière de béton prêt à l’emploi.

    N’oublions pas qu’au Togo c’est ce ciment  Toro de CIMTOGO qui a servi à construire les plus grands édifices comme l’Hôtel du 2 février actuel Radisson, l’aéroport de Lomé, les différentes routes et édifices publics, le port autonome…

     En outre dans la sous-région ouest africaine c’est ce même ciment de CIMTOGO qui a été utilisé en grande majorité pour construire les villes comme Ouagadougou au Burkina Faso, Bamako au Mali, Niamey au Niger…

    C’est la preuve formelle que le ciment de grande qualité qui est le ciment Toro de CIMTOGO fait l’unanimité partout où il est utilisé.

    Et puis CIMTOGO est présente depuis presque 50 ans au Togo.

    D’ailleurs CIMTOGO est la seule cimenterie du Togo possédant deux certificats en matière de qualité :

    -ISO 14001/2004,

    -British standard OHSAS 18001/2007.

    Ces deux normes sont des références internationales dans les domaines de l’environnement, la santé et la sécurité au travail.

    Peut-on dire que les produits DANGOTE sont de moindre qualité comparés au ciment togolais raison pour laquelle ils sont moins chers ?

    Jean ADOLEHOUME : Le produit dont vous parlez est-il vraiment moins cher pour le consommateur final? Avez-vous des reçus d’achat le prouvant ?

    C’est surtout les intermédiaires qui tirent leur épingle du jeu. Il ne faut pas duper le client final.

    La principale question est de savoir pourquoi ce concurrent nigérian exporte du ciment vers le Togo alors que l’importation du ciment est interdite vers le Nigéria ceci malgré le fait qu’on soit tous membres de la CEDEAO.

    En outre ce concurrent jouit d’exonération de taxes dans son pays et n’a créé aucun emploi au Togo, contrairement à CIMTOGO qui en a créé des centaines voire des milliers si on considère toutes les entreprises du groupe HEIDELBERGCEMENT au Togo (SCANTOGO Mines, GRANUTOGO, CIMTOGO Lomé et en début d’année prochaine CIMTOGO Kara).

    Le groupe a ainsi investi au Togo dans le quinquennat en cours près  de deux cent milliards de francs CFA.

    Parlant de coût des paquets de ciment au Togo, qu’est-ce qui explique la différence de prix entre les produits DANGOTE et ceux des sociétés togolaises ?

    Jean ADOLEHOUME : Tout d’abord il faut savoir qu’au Togo c’est l’Etat qui fixe le prix du ciment.

    Le prix de la tonne de ciment TORO classique de CIMTOGO, le CPJ 35  est fixé à 81000F CFA, celui du ciment TORO spécial, le CPA 45 est fixé à 92000F CFA la tonne depuis le 09 juillet 2008 par un arrêté ministériel suite à une décision prise en conseil des Ministres.

    Le ciment du concurrent nigérian dont vous parlez est subventionné par son pays d’origine.

    De plus avec la chute du Naïra, la monnaie nigériane, les coûts de production ont baissé.

    Enfin le conditionnement en sacs plastiques du ciment du concurrent nigérian, contrairement à toutes les normes nationales et internationales en vigueur en matière environnementale amoindrit les coûts d’emballage.

    Peut-on parler dans ce cas de concurrence déloyale ?

    Jean ADOLEHOUME : Tout à fait. C’est ce qu’on appelle le Dumping commercial.

    Selon la définition qui en est donnée, « c’est une pratique fréquente dans le commerce international, permettant à des entreprises exportatrices de s'implanter sur un marché nouveau, où les habitudes des consommateurs ne leur permettraient pas de vendre leurs produits s'ils étaient proposés au même prix que ceux de leurs concurrents locaux. Cela peut conduire à des ventes à un prix inférieur au prix de revient. Le dumping est interdit par l'OMC (Organisation mondiale du commerce), car il est considéré comme une concurrence déloyale).

    Si le concurrent veut bénéficier des avantages de la CEDEAO, il doit fournir le certificat d’origine qui prouve que le produit est fabriqué dans la CEDEAO et son pays le Nigéria doit ouvrir son marché à notre ciment et à tous les ciments des quinze pays de la communauté. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

    C’est ainsi que les autorités douanières togolaises ont dû refuser il y a quelques semaines l’entrée des produits en question au Togo car il manquait le fameux certificat d’origine. Finalement un certificat d’origine a été apparemment fourni mais son authenticité reste à prouver. En tout cas le marché nigérian reste toujours fermé au ciment extérieur pendant que notre concurrent nigérian bénéficie du SLE au Togo. Ceci n’est pas admissible !

    En effet, « Selon l’article 3 du traité révisé de la CEDEAO, l’un des principaux objectifs de la CEDEAO est de promouvoir l’intégration économique de la région en créant un marché commun, entre autres. L’instrument créé à cet effet est le Schéma de Libéralisation des Echanges de la CEDEAO (SLE). Le SLE est un outil qui vise à la mise en place effective de la zone de libre-échange. Le mécanisme du SLE assure la libre circulation des marchandises sans le paiement des droits de douanes et des taxes d’effet équivalent à l’importation dans l’espace CEDEAO. De plus, il permet la mise en place de mesures pour réduire les nombreuses formalités administratives aux frontières.

    Le SLE a été mis en place en 1979 et ne couvrait à l’époque que les produits agricoles et les objets de l’artisanat faits à la main. Puis, en 1990, il a été élargi aux produits industriels. Cette expansion a nécessité la formulation des règles relatives à la définition de la notion de «produits originaires» de la CEDEAO. Les «Règles d’Origine» ont été donc énoncées. Un produit industriel qui est conforme à ces Règles d’Origine peut bénéficier du SLE ».

    CIMTOGO a déjà signalé ces faits aux autorités compétentes togolaises. L’industrie du ciment togolais doit dans ce cas bénéficier des mêmes exonérations que ce concurrent pour que la concurrence soit loyale.

    CIMTOGO n’a pas peur de la concurrence. Il y a déjà deux concurrents présents sur le marché et la concurrence engendre l’excellence. Encore faudrait-il que cette concurrence soit loyale et saine.

    Que disent les autorités en charge du commerce dans notre pays pour éviter de couler des entreprises qui sont installés ici au Togo et employant une main d’œuvre togolaise ?

    Jean ADOLEHOUME : CIMTOGO a introduit des requêtes au Ministère du commerce dans ce sens mais sans résultat probant jusqu’à présent. Les experts de la CEDEAO que nous avons contactés sont unanimes sur le fait que les règles communautaires sont bafouées dans ce cas d’espèce et nous recommandent de faire intervenir le ministère du Commerce togolais pour faire appliquer la réciprocité.

    Nous osons croire que le Togo va continuer à protéger ses industries (n’oublions pas que l’Etat togolais est actionnaire dans CIMTOGO) et surtout les centaines d’emplois actuellement  créés et en cours de création notamment avec notre future cimenterie de Kara et la nouvelle carrière de calcaire dans le DANKPEN.

    Qu’est-ce qui a motivé votre groupe à se lancer dans la construction d’une cimenterie à AWANDJELO dans la région de la KARA ?

    Jean ADOLEHOUME : Cette cimenterie va permettre de mieux alimenter le marché intérieur. Elle aura une capacité de plus de 200 000 tonnes de ciment par an. CIMTOGO se rapproche ainsi de plus en plus de ses clients avec des délais d’approvisionnement compressés. En outre une centaine d’emplois directs sera disponible et avec les différents prestataires plusieurs centaines de futurs emplois induits. Il ne faut pas oublier que chaque employé de CIMTOGO entretiendra  en moyenne une dizaine de personne dans sa famille.

    La capacité de production de CIMTOGO sera ainsi portée à plus d’un million de tonnes par an.

    Qu’est-ce que cela va apporter au consommateur togolais ?

    Jean ADOLEHOUME : Le ciment Toro qui porte l’empreinte de la qualité sera plus disponible et accessible à nos compatriotes des régions au Nord du Togo.

    L’importation de ciments du groupe DANGOTE au Togo ne peut-elle pas s’expliquer par les récurrentes pénuries de ciment que le Togo connaît de façon périodique ?

    Jean ADOLEHOUME : Non. Ce serait une raison fallacieuse.

    En effet le marché global togolais du ciment fait ressortir un besoin d’environ 1.250.000 tonnes par an.

    Les trois cimentiers du Togo ont une capacité de production de près de 2 millions de tonnes par an auxquelles vont s’ajouter à partir du 1er trimestre 2017 les 250 000 tonnes annuelles de CIMTOGO Kara. Le marché togolais du ciment est bien couvert déjà.

    La pénurie, (qui n’est heureusement pas récurrente) de l’année dernière, à laquelle vous faite allusion est due à une conjonction de facteurs :

    -Il y avait eu une panne de broyeur chez un de nos concurrents locaux,

    -Cette période était chargée en finition de grands travaux qui sont très demandeurs de ciment spécial,

    -Ce fut le moment de réception des intrants agricoles au port à destination de l’hinterland et de la récolte du coton dans l’hinterland.

    CIMTOGO n’ayant pas de transporteurs maison, elle fait appel à des prestataires qui compte tenu du taux de gain assuré par le transport des intrants à l’aller et le chargement de coton pour le retour contrairement au ciment qui est à sens unique ont ainsi momentanément délaissé le transport de ciment.

    Pendant ce temps la production de CIMTOGO et de l’un des deux concurrents locaux était assurées. D’ailleurs des actions concrètes médiatisées ont été menées par CIMTOGO pour enrayer ce phénomène temporaire notamment par la réquisition de dizaines de camions d’un prestataire pour desservir toute l’étendue du territoire togolais. 

    Le reproche qu’on fait le plus souvent aux cimenteries du Togo c’est d’exporter la majorité de la production nationale. Est-ce une accusation fondée ?

    Jean ADOLEHOUME : Ce reproche n’est pas du tout fondé.

    L’arrêté ministériel du 09 juillet 2008 autorise par exemple CIMTOGO à exporter 50 % de sa production. CIMTOGO n’exporte même pas à ce niveau. Par exemple en 2014, elle n’a exporté que 28% de sa production et en 2015 un peu moins de 30%.

    Le marché intérieur est privilégié car l’exportation n’est pas toujours rentable. Avec l’ouverture l’année dernière de CIMBURKINA, une cimenterie du groupe HEIDELBERGCEMENT au Burkina, le taux d’exportation est encore en baisse.

    Alors ceux qui veulent justifier l’injustifiable importation déloyale du ciment au Togo doivent trouver d’autres raisons.

    Propos recueillis par Olivier A.

     

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