© Lomé (le 6 janvier 2013) — La coalition Arc-en-ciel et ses partis membres prendront-ils part aux prochaines élections alors qu’ils fustigent les conditions entourant leur organisation ? Comment l’opposition se prépare-t-elle pour affronter les élections à venir si elle tient à y prendre part ? Telles sont les questions posées à Me TCHASSONA Traoré, président national du Mouvement citoyen pour la démocratie et le développement (MCD) au cours d’une entrevue qu’il a accordée à l’Agence Afreepress.
Le notaire de formation, revient dans ces échanges sur les conditions dans lesquelles les prochaines élections sont organisées, conditions qui selon lui, sont « loin d'être acceptables ». L’homme garde le le mystère autour de la participation de sa coalition aux futures élections dans les conditions actuelles d'organisation. « Le problème ne sera pas de répondre par oui qu’il y aura boycotte ou par non qu’il n’y aura pas boycotte de ces élections. La question n’est pas encore là, nous ne sommes pas des gens pessimistes et ce n’est dans l’intérêt de personne que d’annoncer que l’opposition entend boycotter les élections ou entend aller à ces élections dans les conditions actuelles », a laissé entendre Me TCHASSONA Traoré.
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Afreepress : Nous sommes rentrés dans une année nouvelle avec de nouveaux défis pour le Togo. Que retenez-vous de l’année écoulée ?
Me TCHASSONA Traoré : Comme nous l’avions dit dans nos vœux à la nation dans le cadre de la Coalition Arc-en-ciel, nous remercions Dieu d’être tous en vie, d’être en bonne santé, nous souhaitons que chaque Togolais malgré les difficultés puisse avoir l’espoir en l’avenir et qu’ensemble nous puissions continuer le combat pour libérer notre pays.
Au cours de l’année écoulée, le Togo a obtenu très peu d’acquis. Je prends un point essentiel qui est celui du dialogue.
Le président a, lui-même annoncé qu’il faut un dialogue inclusif pour régler tous les problèmes qui se posent à la nation. Mais j’avoue que l’usage qui en a été fait par après me semble être sorti du cadre de la promesse faite par le chef de l’État et cela n’est pas d’une bonne pratique républicaine.
En principe la parole d’un Chef d’État est une parole presque d’évangile et tous les acteurs politiques autour de lui doivent pouvoir travailler à la mise en œuvre de ses promesses. Tout ce qu’on a connu par rapport à cela nous laisse assez perplexe quant à l’avenir.
Pour preuve, il a été mis en place une CENI qui travaille comme si de rien n’était, comme si on était dans un pays normal où toutes les institutions fonctionnaient normalement, dans un pays où tout le monde avait confiance dans les institutions.
Il me semble qu’il y a un élément fondamental qu’ils ne doivent pas perdre de vue même si par extraordinaire, toutes les conditions pour l’organisation d’une bonne élection étaient réunies. Cet élément est la confiance que les citoyens doivent avoir dans la crédibilité de ces élections et pour que cette condition soit remplie, il est nécessaire que la classe politique arrive à s’entendre sur le plan des revendications.
Il ne faut pas que le gouvernement s’enferme dans une auto satisfaction, il faut que tous les acteurs puissent apprécier le niveau de mise en œuvre des recommandations et puissent voir ce qui reste à faire afin que tout le monde puisse s’engager dans la voie de ces élections avec confiance.
Afreepress : Que reprochez-vous concrètement à cette CENI qui, selon vos adversaires, a été mise en place conformément à l’Accord politique global (APG) ?
Me TCHASSONA Traoré : Non ! l’APG pose le problème d’une CENI paritaire. Est-ce que par rapport à cette parité, la CENI mise en place a respecté cette notion ? Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que la mise en place de la CENI a été précédée de discussions pouvant conduire à une certaine confiance dans sa mise en œuvre ?
Le problème qui se pose aujourd’hui au Togo porte beaucoup plus sur la confiance que n’ont pas les citoyens dans leurs institutions et l’histoire des élections au Togo démontre assez bien cette méfiance que le peuple nourrit vis-à-vis de toutes les CENI mises en place à travers le temps. Il n’y a pas d’équilibre au sein de la CENI et quand vous faites les décomptes c’est une portion congrue qui est réservée à l’opposition. Est-ce cela l’esprit de l’APG ?
Je crois que l’esprit de l’APG a été dévoyé. La seule façon de trouver une issue à cette situation est d’aller vers des discussions qui permettent à tout le monde de se joindre à l’organisation des élections.
Afreepress : Les élections vont avoir lieu quelque soit la composition de la CENI. Comment la Coalition Arc-en-ciel se prépare-t-elle ? Participera-t-elle à ces élections quelques soient les conditions ou doit-on s’attendre à un boycott ?
Me TCHASSONA Traoré : Si les conditions ne sont pas réunies, je ne vois pas pourquoi l’opposition va se lancer dans une compétition dans laquelle les règles de jeu sont faussées.
Mais ce que nous demandons, c’est de prendre part à ces élections avec un minimum de consensus, il n’ya pas de l’argent à dépenser pour cela. La seule chose qu’il faut dépenser est la volonté politique des acteurs.
C’est au gouvernement de prouver à la classe politique que son engagement pour organiser des élections transparentes et crédibles est sincère, que sa volonté d’ouverture est totale. Quel intérêt ont-ils aujourd’hui à organiser à tête baissée des élections unilatérales si demain elles ne sont pas en mesure de régler les problèmes pour lesquelles ces élections sont organisées ? Nous allons nous installer dans une crise plus grave.
Voyons l’environnement mondial dans lequel nous évoluons. Ce sont des crises partout. Est-ce que le Togo ne peut pas faire économie d’une crise supplémentaire par rapport à la sous-région et donner l’exemple d’un pays qui cherche à sortir de ces péripéties ? Celui qui en a la responsabilité première pour faire cela, ce n’est pas l’opposition, c’est le gouvernement qui doit mettre en place tout ce qu’il faut pour arriver à assoir de bonnes conditions qui puissent rassurer tous les acteurs d’aller à ces élections dans un esprit d’ouverture.
Tous les partis politiques sont créés pour aller aux élections d’où le sens de notre existence, mais nous ne pourrons pas aller à ces élections dans les conditions telles qu’on nous les présente. On veut au moins un minimum de conditions et nous sommes optimistes que la raison finira par l’emporter que nous allons trouver un moyen de nous entendre pour trouver le minimum qui puisse permettre à tout le monde de pouvoir s’accorder sur le minimum autour de ces élections qui vont arriver.
Le problème ne sera pas de répondre par oui qu’il y aura boycotte ou par non qu’il n’y aura pas boycotte de ces élections. La question n’est pas encore là, nous ne sommes pas des gens pessimistes et ce n’est dans l’intérêt de personne que d’annoncer que l’opposition entend boycotter les élections ou entend aller à ces élections dans les conditions actuelles.
Ce que nous disons simplement est de travailler à trouver les meilleures voies pour que ces élections puissent respecter les standards internationaux, que la confiance puisse accompagner au moins la mise en œuvre du processus électoral et que le résultat proclamé puisse refléter le suffrage exprimé par nos concitoyens. Voilà ce que nous attendons et nous y travaillerons.
Afreepress : Le président de la CNDH a donné l’impression de nier au cours d’une interview le tripatouillage du rapport d’enquête rendu public par son prédécesseur Koffi Kounté actuellement en exil. Quelle appréciation fait particulièrement le MCD de cette polémique qu’a allumée M. Cissé ?
Me TCHASSONA Traoré : Je suis aussi comme vous surpris par cette polémique qui a inondé les débats depuis quelque temps. À vrai dire je connais M. Cissé pour avoir travaillé avec lui au moins pendant cinq (5) ans au cours du mandat précédent de la CNDH.
Il était le trésorier et je sais le travail qu’il a abattu au sein de cette institution pour qu’on puisse avancer. Je sais également que M. Cissé avant d’être à la CNDH était un militant très engagé de l’opposition et qu’il y est resté jusqu’à ce jour.
Parfois entre ce que l’on pense et ce qu’on dit, il y a un écart. La parole peut trahir les idées. Sur la question du tripatouillage du rapport par exemple, M. Cissé était de ceux qui avec nous, avaient exigé qu’on puisse se prononcer et clarifier la situation par rapport aux deux rapports.
J’ai vu M. Cissé très ardent pour redéfinir la ligne de démarcation entre les deux rapports et c’est de façon unanime que nous avons tous, membres et commissaires réunis, dressé un procès-verbal de séance ce jour-là.
M. Cissé avait fait remarquer que le vrai rapport de la CNDH et qui devrait être considéré était celui qui a été signé par le président et paraphé par le rapporteur général. Je ne sais pas exactement ce que M. Cissé a dit à la radio, mais il serait très difficile qu’il puisse nier cette évidence qui a été celle qu’il a mise en œuvre pendant qu’il était à nos côtés pendant cinq (5) ans au sein de la CNDH.
Il serait difficile qu’il puisse nier sa signature qui a mis en évidence le vrai rapport de la CNDH je peux même vous fournir les preuves pour appuyer ce que j’avance. J’ai encore les preuves par rapport au procès-verbal que nous avons dressé ce jour-là et de la liste de présence de tous ceux qui étaient là, dont M. Cissé qui est un homme de conviction et qui a signé ce procès-verbal.
Afreepress : Pour finir cet entretien, que dites-vous au peuple togolais en ce début d’année ?
Me TCHASSONA Traoré : Nous disons au peuple togolais de rester toujours confiant. Nous savons aujourd’hui que les gens sont septiques avec tout ce que nous avons connu par le passé en période d’élection. Lorsque vous circulez à l’intérieur du pays, les gens se demandent si cela vaut encore la peine d’organiser des élections. À chacun de jouer son rôle, nous au sein de l’opposition nous nous battons pour obtenir de bonnes conditions pour l’organisation de ces élections et nous n’avons pas intérêt à baisser les bras puisque notre mission est de tout faire pour sortir notre peuple de la misère. Et c’est pour cette raison qu’ils ne doivent pas se décourager, l’espoir est permis.
Propos recueillis par Olivier A.