Politique: Les conseils sans complaisance du député Jean Kissi à Faure Gnassingbé
©Afreepress-(Lomé, le 13 décembre 2016)- Partager avec le peuple togolais et ses dirigeants, les enseignements d’une visite de travail effectuée au Bundestag (parlement fédéral) allemand du 20 au 26 novembre 2016 par des députés togolais. Tel est l’objectif d’une libre tribune que publie le député du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR, opposition), Jean Kissi. « Au-delà d’une visite de travail, ce fut en réalité un voyage d’étude effectué à pas de charge », introduit l’élu de la circonscription électorale de Vo qui recommande aux premiers responsables togolais, de s’inspirer du modèle allemand pour construire un Togo meilleur.
« Le sérieux et le patriotisme du député allemand sont manifestés par l’obligation pour chaque député de signer dès son arrivée au Bundestag, à chaque journée de travail, une liste de présence qui sera prise en compte plus tard par la comptabilité du Bundestag. Chaque absence non justifiée devant faire l’objet de déduction de l’indemnité du député. Il n’est donc pas acceptable, dans la rigueur allemande, que ceux qui imposent la loi de travail aux citoyens lambda ne donnent pas l’exemple par leur présence effective à tous les travaux de l’Assemblée », relève-t-il. Ci-dessous l’intégralité de la Libre Tribune du député Jean Kissi.
Jean KISSI
Député à l’Assemblée nationale
Membre du Groupe d’Amitié Allemagne – Togo
Tél : 90 18 26 58 ; Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Lomé, le 12 décembre 2016 A
Son Excellence, Monsieur le Président de la République togolaise
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale togolaise
Mme la Présidente du HCRUN
et au PEUPLE TOGOLAIS
Objet : Libre Tribune. Visite de travail des députés togolais en Allemagne :‘’s’inspirer entre autres, du modèle allemand pour impacter les réformes en perspective’’
Excellences et Chers concitoyens
Du 20 au 26 novembre 2016, sept (07) députés togolais dont cinq (5) de la coalition gouvernementale et deux (02) de l’opposition ont effectué une visite de travail au Bundestag (parlement fédéral) allemand.
Au-delà d’une visite de travail, ce fut en réalité un voyage d’étude effectué à pas de charge. En ce moment historique de notre pays où le Président de la République, les députés, toutes tendances confondues sont interpellés tous les jours à opérer les réformes prescrites par l’APG et afin de mettre à profit chaque centime mis à disposition par les contribuables togolais et allemands pour rendre ce voyage effectif, il me semble important de partager avec les citoyens togolais, à commencer par le Président de la République et le Président du parlement, le contenu et les enseignements de cette visite pour toute fins utiles, ne serait-ce que pour impacter les réformes à opérer suivant certaines bonnes pratiques tirées de l’expérience allemande.
De la rigueur allemande
Le sérieux et le patriotisme du député allemand sont manifestés par l’obligation pour chaque député de signer dès son arrivée au Bundestag, à chaque journée de travail, une liste de présence qui sera prise en compte plus tard par la comptabilité du Bundestag. Chaque absence non justifiée devant faire l’objet de déduction de l’indemnité du député. Il n’est donc pas acceptable, dans la rigueur allemande, que ceux qui imposent la loi de travail aux citoyens lambda ne donnent pas l’exemple par leur présence effective à tous les travaux de l’Assemblée.
Des indemnités des députes
Notre premier entretien fut avec Stephan Sinner, Chef du service des indemnités parlementaires. Il a porté sur la thématique des indemnités parlementaires, des règles de transparence dans leur gestion ainsi que du financement public des partis politiques.
Des indemnités
Jusqu’en 1977, les députés allemands percevaient une indemnité mensuelle non imposable parce-que la fonction était beaucoup plus considérée comme honorifique, mais depuis cette date, suite à un arrêt de la Cour Constitutionnelle qui stipule que le travail des députés est une fonction à temps plein qui doit être rémunérée par un salaire, les indemnités des députés sont devenues imposables.
Une nouvelle réforme en 2014 a consisté à indexer les émoluments à la valeur indiciaire, de sorte que les émoluments des députés augmentent chaque fois que les ressources et les salaires augmentent.
L’indemnité de base, composée à partir du salaire des membres de la cour constitutionnelle qui est le plus élevé dans l’échelle administrative, était de 9.082 euros augmentée de 2,7%, ces derniers temps.
Notons bien que la mesure concernant l’indexation doit être confirmée à chaque législature pour être appliquée. Si une législature ne confirme pas, le statu quo est gardé.
La pension de retraite
La pension, octroyée lorsque le député totalise au moins 10 ans de fonction à l’Assemblée est de 2.700 euros par mois, percevable à partir de 67 ans.
Les forfaits non imposables
Il y a ensuite les forfaits destinés à payer les personnels et bureaux des députés qui sont non imposables car les députés n’étant pas des entrepreneurs, on ne peut pas leur imposer de payer des taxes professionnelles pour leurs personnels
Un premier forfait de 4.300 euros, indexé aussi sur le coût de la vie est accordé au député pour l’entretien de son bureau de permanence et de son personnel à Berlin.
Un second forfait de 20.400 euros qui sera porté à 20.900 euros en 2017, est accordé au député pour les émoluments de ses assistants.
Il est mis à la disposition du député un bureau à Berlin et il a droit à l’utilisation gratuite de tout transport public et des véhicules du parlement.
Ces moyens accordés aux députés ont toujours suscité des critiques mais le parlement justifie cela en soutenant que c’est nécessaire pour qu’il puisse faire un bon travail et conserver sa notoriété dans la structuration et la hiérarchie des pouvoirs dans la démocratie.
Les députés ont le droit d’avoir d’autres activités supplémentaires en marge de leur mandat à condition qu’elles soient rendues publiques.
De la transparence dans la gestion des ressources du Bundestag
En Allemagne, le pouvoir politique est concentré aux mains du parlement. Ce poids prépondérant expose les députés aux offres financières des hommes d’affaires et même à des collusions d’intérêts. Raison pour laquelle des règles strictes ont été définies pour assurer la transparence dans les revenus et les dépenses des députés ainsi que dans la gestion des ressources du parlement.
En premier, les députés doivent signaler les dons qu’ils reçoivent et toute participation ou actions qu’ils détiennent dans une quelconque entreprise ou tout revenu annexe.
De la réserve parlementaire
Il n’y a pas de fonds mis à la disposition des députés pour réaliser des ouvrages dans leurs milieux. Ceci pour éviter des soupçons d’achat de conscience. Les administrations locales ont leur propre financement et ce sont elles qui sont appelées à s’occuper des réalisations dans les communautés à la base.
Les députés ont pour rôle, le contrôle de l’action gouvernementale et de la gouvernance du pays. Ils sont également chargés de recevoir les problèmes et doléances des populations et de veiller à leur mise en œuvre en élaborant des lois prenant en compte lesdits problèmes.
L’Allemagne dispose d’une presse très active et des médias sociaux qui suivent à la loupe l’usage fait des ressources financières mises à la disposition des députés. Le député a aussi des obligations envers le Conseil de l’Europe qui s’occupe de la transparence dans la vie publique.
A sa prise de fonction, chaque député reçoit un formulaire de déclaration de toutes ses sources de revenus et chaque fois qu’il y a un changement, il doit le signaler au plus tard dans les 3 mois au risque de s’exposer à des sanctions qui peuvent atteindre dans des cas extrêmes, 50% de son indemnité. Un cas de figure qui n’est pas encore arrivé.
En Allemagne, le député est appelé à publier ses ressources supplémentaires contrairement à d’autres pays où il leur est plutôt demandé la déclaration de leurs biens.
Le financement des partis politiques
C’est l’Assemblée nationale qui s’occupe du financement public des partis politiques.
Il y a une forte interaction entre le législateur et la Cour constitutionnelle fédérale.
Le mécanisme de financement de la vie publique a commencé uniquement avec le financement des campagnes électorales. C’est ensuite qu’il a été élargi au financement des partis politiques qui est fait sur une double base : une, à partir des voix obtenues aux élections législatives et une autre en complément des cotisations des militants.
Les partis qui ont récolté 0,5% des voix aux législatives nationales ou 1% des voix aux régionales ont droit au financement public.
En ce qui concerne le financement accordé sur la base des résultats des élections, l’Etat octroie un (1) euro pour chaque voix pour les premiers 4.000.000 voix obtenues et pour chaque voix supplémentaire 0,85 euro.
Pour le financement accordé en ajout aux cotisations des militants, lorsqu’un parti récolte jusqu’à 3.300 euros par cotisant, il reçoit 0,45 centime par euro de l’Etat. Dans ce volet, le total du financement accordé aux formations politiques en 2016 est de 160 millions d’euros.
Il faut noter que le financement de l’Etat ne doit pas dépasser les ressources propres que le parti même arrive à engranger.
Le système du financement et des indemnités est strictement contrôlé. A cela s’ajoute les rapports d’activité qui constituent un moyen de contrôle supplémentaire. Tout ceci a pu évoluer à travers le temps accompagné par des mesures de la Cour Constitutionnelle fédérale et par les critiques de l’opinion publique.
Le poids et le fonctionnement du parlement
Ce point abordé avec le Directeur des services parlementaires, M. Sobolewsky, nous a permis de comprendre le poids réel du parlement dans la vie nationale allemande ainsi que la façon dont les travaux s’y déroulent.
En effet, des six (6) organes constitutionnels allemands, le Bundestag est le seul organe élu directement. Il est à la position la plus forte par rapport aux autres organes qui sont : le Gouvernement, la Cour constitutionnelle, le Conseil fédéral, le Président fédéral et l’Assemblée fédérale (Bundesvesammlung) équivalent du Congrès qui ne se réunit que lors de l’élection du Président fédéral.
L’Allemagne a donc un régime parlementaire ou le pouvoir suprême n’est pas exercé par un individu, mais par les représentants du peuple au sein du Bundestag.
Les députés ont un mandat libre, non impératif c’est-à-dire qu’ils n’agissent ni sur injonction de leur circonscription ni sur celle d’aucune autre entité. Le Chancelier même est issu de l’Assemblée nationale qui le contrôle.
Le rôle de contrôle est exercé par l’opposition mais aussi par les groupes politiques de la coalition qui soutiennent le Gouvernement.
Le Bundestag est composé de 630 députés dont un peu plus du 1/3 sont des femmes. Un chiffre qui est en perpétuelle augmentation.
Pour ce qui est de la provenance sociale des députés : 30% sont des anciens fonctionnaires, 15% viennent de la société civile et 30% des professions libérales surtout les avocats.
L’assemblée actuelle est composée de : 310 députes CDU/CSU, 193 députés SPD, qui forment un gouvernement appelé grande coalition composée des deux grandes forces traditionnellement opposées, la CDU-CSU de droite et le SPD de gauche. Les deux autres forces qui sont dans l’opposition sont Die Linke de l’extrême gauche avec 64 députés et les Verts avec 63 députés.
Chaque groupe parlementaire peut-être constitué à partir 5% des députés. Ce sont les partis qui ont 5% des suffrages qui ont le droit de rentrer à l’Assemblée nationale, par conséquent 5% des députés ont le droit d’avoir un groupe.
Chaque groupe peut faire une proposition de loi à l’Assemblée qui a l’obligation d’en débattre contrairement à la Grande Bretagne où chaque député peut prendre l’initiative d’une loi mais où l’Assemblée n’est pas obligée de la soumettre au débat.
Les initiatives de l’opposition et de la coalition sont inscrites à tour de rôle, d’où la tenue des rôles à l’Assemblée. Les groupes ont des droits. Notamment, la coalition ne peut pas retenir une initiative de l’opposition. Si une initiative de loi n’est pas traitée jusqu’à 10 semaines après son dépôt, la Commission concernée est obligée de présenter un rapport à l’Assemblée sur les raisons pour lesquelles l’initiative n’a pas suivi son cour normal.
Le député n’a pas seul le droit d’initier une loi, mais il peut apporter des amendements à toute loi.
A chaque plénière, tout groupe parlementaire peut proposer une question d’actualité qui doit être débattue dans un temps préliminaire appelé l’heure d’actualité. Il y a des petites et grandes questions avec l’obligation faite au gouvernement d’y répondre soit par un ministre ou un secrétaire d’Etat.
Mais si un Groupe estime que c’est le ministre concerné lui-même qui doit répondre aux questions, l’Assemblée prendra une motion de convocation du ministre concerné qui a l’obligation de s’y soumettre.
La grande séance des questions au gouvernement se déroule tous les mercredis à partir de midi car le Conseil des Ministres se tient dans la matinée, et l’Assemblée ne veut pas que ce soit dans la presse qu’elle en découvre les conclusions. C’est donc à l’Assemblée que le Gouvernement livre en premier, le compte rendu du Conseil des ministres, ce qui permet aux députés de poser des questions portant sur les décisions prises ou même d’autres questions qui n’ont pas été à l’ordre du jour.
Si un Groupe a l’impression que le gouvernement n’a pas bien répondu à une question, il a la possibilité de relancer la question qui doit être répondue par le représentant du gouvernement.
Quelques données statistiques
La dernière législature a été marquée par 54 grandes questions très détaillées et très complexes au gouvernement, 3.200 petites questions, 6.000 questions individuelles, 20.000 questions écrites, 107 questions d’urgence, et 131 questions d’actualités.
Les initiatives de lois sont au nombre de 906 dont 60% vient du gouvernement, 30% du parlement et 10% du Conseil fédéral (Sénat).
La loi fondamentale et le règlement prévoient d’autres prérogatives pour les députés, notamment la possibilité de mise en place d’une commission d’enquête devant laquelle le gouvernement est obligé de répondre et de témoigner ainsi que des commissions d’audition en public des experts de l’administration ou hors administration sur un projet de loi ou une motion. Dans ce cas, l’initiative requiert un quorum de 25% des députés. Dans le cas d’espèce, l’opposition aussi peut faire venir des experts de l’extérieur, c’est-à-dire qu’elle est autorisée à demander à des chefs de syndicats ou ONG de venir apporter leurs expertises.
Dans la législature en place ou l’opposition ne représente que 20% des députés, l’Assemblée a abaissé le quorum et on a pu enregistrer du coup 5 commissions jusqu’à présent.
Du calendrier de travail parlementaire
Le calendrier annuel comporte 23 semaines de séances.
Les lundis, se tiennent les réunions, des différents organes, des groupes politiques, des commissions (il y a un groupe de travail de chaque commission à l’intérieur de chaque fraction) et des rencontres des députés des différents états fédérés.
Les commissions se retrouvent encore le mercredi matin et à partir du mercredi midi, c’est le début des plénières avec les questions au gouvernement puis les autres sujets. Les plénières commencent à 09 heures et peuvent durer quelques fois jusqu’à 00 heures.
Il faut noter que contrairement à la Grande Bretagne ou chaque député peut interpeler le Premier ministre (The Prime Minister Question Time), en Allemagne, il faut une majorité pour convoquer le(a) chancelier(e).
Mais il peut y avoir des déclarations de sa propre initiative puisqu’elle est présente au parlement ou elle continue de jouir de son droit de député.
Il y a des déclarations du gouvernement (Regierungserklaerung) surtout lors du vote du budget, la loi budgétaire est appelée droit royal au Bundestag, donc lors de la séance consacrée au budget de la Chancellerie, le(a)Chancelier(e) est obligé(e) de se soumettre aux questions pendant 4 heures de temps.
Composition et formation du Bureau de l’Assemblée.
Le bureau est composé de 7 membres et chaque groupe politique doit avoir un Vice-Président. Du coup, l’Assemblée actuelle compte deux (2) Vice-présidents SPD, deux (2) CDU, un (1) Linke et un(1) des Verts.
Le bureau est élu par un scrutin de liste et à la majorité qualifiée de sorte que l’opposition a une influence sur le vote pour positionner aussi ses membres à de bonnes places.
Ensuite, il y a le Comité des Doyens qui correspond chez nous, au Togo, à la Conférence des Présidents.
Le Bundestag comprend au total 23 commissions dont celles qui correspondent à peu près à l’interface des portefeuilles ministériels, le reste étant des commissions pétitionnaires.
Pour la répartition des bureaux des commissions, la tradition commande que la Commission du Budget soit d’abord attribuée au plus grand parti de l’opposition, à la suite de quoi, les groupes choisissent à tour de rôle la présidence des autres commissions à commencer par le groupe le plus important.
La situation actuelle est la suivante. Il y a 12 commissions présidées par la CDU, 7 par le SPD et 2 par les autres partis, la gauche et les Verts.
L’évolution des relations entre l’Allemagne et le Togo
Il est loisible de constater que la visite ne s’est pas limité aux échanges sur les institutions allemandes et les réformes qu’elles ont connu à travers le temps, mais aussi à échanger avec des départements du gouvernement sur l’évolution des relations et de la coopération allemande avec le Togo.
Le sujet a été évoqué en premier lors de la rencontre avec M. Singhammer, Vice-président du Bundestag.
Le Vice-président fait remarquer que cette année a connu une évolution sensible des relations entre le Togo et l’Allemagne. On dénombre plusieurs rencontres parmi lesquelles : la visite du Ministre de l’Economie, M. Muller au Togo, en janvier 2016, la rencontre avec une délégation des députés allemands à l’aéroport de Lomé, le déplacement d’une forte délégation du parlement allemand conduite par M. Singhammer lui-même pour participer au forum économique ainsi qu’à l’ouverture de la première session de l’année de l’Assemblée nationale en 2016, la récente visite du Président togolais puis la présente visite des députés togolais.
Il a rappelé que l’Allemagne et le Togo ont une longue histoire commune et il était déjà impatient de découvrir le visage du palais des gouverneurs à la fin de sa réhabilitation et de son inauguration à Lomé l’année prochaine.
Il a également rappelé qu’il avait été discuté lors du forum économique, d’une meilleure possibilité de garantie des crédits. Il nous signale en ce sens la création récente des garanties Hermes qui constituent une caution aux investissements. Le Togo pourrait faire des démarches pour voir comment il peut en bénéficier.
En ce qui concerne la coopération parlementaire, il a souligné l’importance pour le Togo de définir de manière concrète l’assistance parlementaire dont il a besoin, y compris la possibilité pour des représentants ou experts du parlement togolais d’aller en stage de quelques mois au Bundestag.
Pour ce qui concerne la coopération économique, des députés togolais ont attiré l’attention des Allemands sur les potentialités dont regorge le Togo et ont proposé à leur interlocuteur de faire du Togo, la première porte d’entrée de l’Allemagne en Afrique, notre pays disposant en plus du ciment, du fer, du phosphate, du manganèse, du café -cacao, du coton et d’autres produits de rente.
Les deux délégations ont mis l’accent sur la nécessité de réorienter l’éducation vers la formation professionnelle et l’appui aux entreprises pour leur permettre de proposer aux jeunes, des formations en alternance.
Par ailleurs, la rencontre qui a suivi avec le Secrétaire d’Etat parlementaire auprès du Ministre fédéral de la coopération économique et du développement, M. SILBERHORN a eu comme thème principal, le devoir pour les dirigeants africains de créer des perspectives d’emploi pour les Jeunes dans leur pays. L’interlocuteur a attiré notre attention sur un programme d’échanges académiques qui est établi entre Allemagne et l’Union Africaine (UA).
Il a souligné dans ce sens que l’objectif ne doit pas être de vendre des produits allemands et européens à l’Afrique mais d’investir sur place et de produire sur place.
Il a évoqué un rapport de l’OCDE qui relève qu’au moment où on ne réalise qu’un transfert de 137 milliards de l’Europe vers l’Afrique, on constate dans le même temps qu’au moins 250 milliards sont générés en Afrique mais exportés de manière généralement illégale vers l’Europe.
La discussion a aussi touché les perspectives en termes de développement de projets, notamment :
- la possibilité de promouvoir l’emploi dans les énergies renouvelables, avec un grand projet d’installation d’énergies renouvelables accompagné de la création d’une école de formation dans ce domaine accompagné d’un volet formation en alternance d’où sortiront des techniciens et des techniciennes supérieurs ;
- la possibilité de monter des usines de traitement de toutes les eaux usées et de production de l’eau potable avec une formation en alternance ;
- même chose pour le traitement des déchets ;
- le développement et la transformation de produits agricoles.
Le Secrétaire d’Etat a rappelé enfin qu’une mission allemande arrive au Togo en avril 2017 avec une projection dans le domaine de l’énergie combinée avec la mise à disposition de connexion internet à travers l’installation électrique.
En outre, la rencontre avec la Directrice Générale au Ministère des affaires étrangères chargée du Moyen Orient, de l’Afrique et de l’Amérique latine nous a permis de souligner une fois encore les domaines dans lesquels le Togo peut avoir des facilités d’évoluer notamment le domaine de l’environnement, de la reforestation et de la protection des forêts.
Elle a souligné qu’en Allemagne, les projets qui ont les plus grandes importances sont pilotées par les communes d’où l’intérêt de la décentralisation.
L’autre volet sur lequel elle a mis l’accent, c’est le développement rural. Elle considère que dans ce domaine, il y a beaucoup plus de potentialités d’emplois surtout pour les jeunes. Elle relève les propos de la Chancelière qui dit :« investir dans la jeunesse de l’Afrique est une priorité pour l’Allemagne ».
Elle a enfin évoqué le cas de Heidelberg Cement qui a investi 250 millions d’euro au Togo avec 450 emplois directs et 2.000 emplois indirects et qui subit la concurrence déloyale du groupe Dangoté sous le regard passif du gouvernement. Elle a souhaité que le parlement agisse pour garantir et protéger les investissements et les emplois au Togo.
L’entretien suivant s’est déroulé avec Mme Kortmann, ancienne députée et ancienne Secrétaire d’Etat, actuellement Directrice du GIZ Berlin. Elle nous a situés les axes d’intervention du GIZ au Togo, à savoir agriculture et agro-industrie, environnement - climat - infrastructures et démocratie - décentralisation.
Pour ce qui concerne la décentralisation, elle souligne que le GIZ a conseillé le ministère en charge de la décentralisation d’établir un plan d’action fixant les dispositions à mettre en place au plan administratif et au niveau fiscal.
Le GIZ pour ses actions a choisi 3 villes pilotes dans lesquelles il a concentré ses actions. Il a pu faire réaliser dans ces villes, une augmentation de 7% des recettes fiscales.
Elle a dit se rappeler que lors de leurs discussions, le gouvernement avait mentionné lui-même que les exécutifs locaux ont perdu de légitimité parce que les dernières élections locales datent de 1987 et souligné que la question des élections locales faisait partie des 22 engagements pris par le Togo en avril 2004.
De l’Etat fédéral aux Etats fédérés : L’exemple de Brandenbourg
Avec le Vice-Président du parlement de Brandenbourg entouré des principaux responsables des groupes parlementaires, nous avons échangé sur la forme d’organisation fédérale pratiquée en Allemagne
Selon les interlocuteurs, l’Etat de Brandenbourg est l’un des moins peuplés et des moins nantis des 16 Etats fédérés qui composent la République fédérale d’Allemagne. Il compte 2,5 millions d’habitants et dispose de son propre parlement comprenant 87 députés.
Contrairement à l’Etat fédéral qui est gouverné actuellement par une grande coalition CDU/CSU-SPD, l’Etat de Brandenbourg est dirigé par un gouvernement SPD-LINKE (les Socialistes et la Gauche).
Au Brandenbourg tout comme au niveau fédéral, c’est la démocratie des 5% qui s’applique. Cela veut dire qu’il faut atteindre un score de 5%, au minimum pour rentrer au Parlement et il faut 5% des députés pour avoir un groupe parlementaire dirigé par un Chef de groupe.
Mais lorsqu’on n’a pas le quota pour former un groupe parlementaire et qu’on est au moins 3 députés non-inscrits qui se mettent ensemble, ils peuvent créer un groupe politique avec juste un porte-parole.
A part les indemnités et traitements accordés de manière générale aux députés et groupes parlementaires, il y a un forfait supplémentaire qui est accordé aux groupes parlementaires de l’opposition pour leurs dépenses et le personnel dont il ont besoin pour bien faire leur travail notamment des expertises juridiques, économiques... La raison est simple. La majorité ayant mis en place le gouvernement disposant à son aise de l’appui des conseillers et experts recrutés par le gouvernement, il apparait judicieux que l’opposition puisse disposer de moyens pour s’adjoindre les services d’experts afin que le travail soit enrichi par un bon débat contradictoire.
Ils procèdent même souvent à des auditions des experts de l’extérieur.
Il y a aussi un forfait qui est payé à tous les députés pour leur permanence.
Les droits de l’opposition sont consacrés par la Constitution qui établit l’égalité et le même accès à tous les groupes d’expertise de l’Assemblée et à tous les dossiers.
Il existe une pratique non écrite au parlement ; le principe du respect mutuel. L’opposition a tous les droits, mais il doit l’exercer dans le respect des partis au pouvoir.
Les chiffres
Les députés de l’Etat de Brandenbourg ont une indemnité de 8.000 euros assujettis à l’impôt, un forfait de 4.000 euros pour payer les fonctionnaires qui travaillent pour eux et reçoivent le remboursement des frais de location d’un bureau pour la permanence, dont le loyer doit être modéré et situé dans le standard des montants courants dans la localité.
Un des leviers le plus souvent utilisé, c’est les initiatives populaires qui après avoir recueilli un nombre de signatures, rentrent dans le circuit parlementaire et suit plusieurs étapes jusqu’à la délibération au Parlement.
Une autre particularité : le parlement de Brandenbourg dispose d’un délégué chargé d’assumer les conséquences de la dictature du national socialisme. Il représente les victimes et se charge de porter leurs exigences dans la sphère politique. Le Brandenbourg est un Etat de l’Est où le Nazisme a eu beaucoup d’impacts. Ce passé constitue une pesanteur dont il faut assumer les conséquences, sinon des réminiscences vont subsister avec des risques de vengeance chez les victimes. Le délégué est chargé de rendre compte au parlement qui regroupe toutes les formations représentatives des populations.
De la mission des cours des comptes : l’exemple du Brandenbourg
La Vice-présidente de la Cour des comptes de Brandenbourg, Mme Sieglinde REINHARDT nous a entretenus sur la place, le fonctionnement et les missions d’une cour des comptes en Allemagne
La Cour des Comptes est une organisation indépendante de tous les pouvoirs. En ce sens personne ne peut lui donner des injonctions, ni des conseilspour ce qu’elle est appelée à faire et le parlement ne peut rien y modifier par un simple vote majoritaire.
Le parlement autorise ce que le gouvernement doit dépenser et la Cour des Comptes contrôle l’exécution des dépenses. La Cour des comptes se considère comme l’avocat des contribuables et veille à la transparence des comptes publics.
Ses missions principales sont de vérifier les comptes, produire des rapports et conseiller le Parlement et le Gouvernement.
Les décisions politiques comme par exemple l’opportunité d’orienter les dépenses vers le renforcement de la sécurité ou plutôt vers le payementdes dettes publiques ne peuvent pas être jugées par la Cour des Comptes. Mais la vérification de la dépense est faite par elle.
Organes de décision : Les membres de la Cour sont élus par le Parlement mais celui-ci ne peut pas les révoquer. Le Président et le Vice-Président sont élus pour 12 ans et les autres sont des membres à vie. Ils jouissent, tous, de l’indépendance judiciaire. Les candidatures sont déposées librement et les meilleurs sont choisis.
Lorsqu’on constate que des fonds ne sont pas dépensés de manière correcte, la Cour des Comptes établit un rapport et fait des recommandations aux organes contrôlés. Mais elle ne peut entreprendre aucune action contre ces organescar elle est dépourvue de pouvoir coercitif. Leur travail n’est pas pour autant inutile, car les recommandations peuvent servir à une motion de censure du gouvernement par le Parlement.
La Cour n’est pas un organe de répression mais lorsqu’il y a des constatations de détournement, elle transmet le dossier au Parquet qui doit mener des actions.
Les populations peuvent aussi adresser des pétitions à la Cour des Comptes.
Le budget propre de la Cour est contrôlé par une commission du parlement. Les réunions des commissions sont désormais publiques. La Cour a aujourd’hui un personnel total de 140 agents.
Tels sont les éléments que j’ai pu tirer, à toutes fins utiles, de notre récente visite d’étude en Allemagne. Comme annoncé dans l’objet, il ne s’agit ni d’un compte rendu ni d’un rapport exhaustif, mais juste d’une tribune qui peut comporter des imperfections, surtout que la majeure partie est tirée de la traduction verbale de l’allemand en français.
A mon humble avis, le système allemand me semble un modèle assez équilibré qui n’est pas symbolisé par un homme-pouvoir (un seul homme Dieu qui décide de tout et nomme à tout), mais plutôt d’un groupe pouvoir (les représentants du peuple) plus proche de l’organisation du pouvoir traditionnel que constitue l’arbre à palabre qui existait depuis les royaumes et empires (mandingues, du Ghana, Songhaï de Gao) bien avant que naissent les républiques en occident à la suite des révolutions.
Copie à son Excellence, Monsieur l’Ambassadeur d’Allemagne au Togo.
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