Interview d'Habib Amouzou, président de l'association « Lungi A Jamais » : « L'opacité qui entoure ce dossier nous fait nous poser des questions. Y-a-t-il eu un deal secret entre Me Dodji APEVON et Freetown ? »
©Afreepress-(Lomé, le 13 février 2017)- Bientôt dix ans que treize (13) Togolais faisant partie de la délégation de la Fédération togolaise de football (FTF) ont perdu la vie en Sierra-Léone alors qu'ils accompagnaient les Eperviers dans un match de football. 10 ans après, les familles et ayant-droits des victimes de l'accident de Lungi attendent toujours des réparations de la part de l'Etat SierraLéonais. Selon Habib Amouzou, président de l'association « Lungi A jamais », le temps n'a rien effacé du souvenir de ces hommes et femmes tombés alors qu'ils défendaient les couleurs nationales. Ces souvenirs sont rendues encore plus vivaces par le sentiment d'abandon et d'oubli qui entoure ce dossier. M. Amouzou rapporte que les familles et ayant-droits ont le sentiment d'avoir été abandonnés par Me Paul Dodji Apévon, l'avocat en charge de ce dossier, par l'Etat togolais et par le gouvernement SierraLéonais. « L'opacité qui entoure ce dossier nous fait demander le contenu réel de l'accord signé entre notre avocat Me Dodji APEVON et Freetown. Y-at-il eu un deal secret ? », s'interroge-t-il dans cette interview que nous vous proposons.
Bonjour M. Habib Amouzou, vous êtes le Directeur Exécutif de l'association Lungi à Jamais. Qu'estce que défend votre association ? Quels sont ses objectifs et missions ?
Habib Amouzou : Cette association émane d'un constat de non prise en charge véritable des parents des victimes du crash de Lungi. Vous devez avoir en souvenance ce drame d'hélicoptère qui a tué 13 de nos compatriotes faisant partie de la délégation officielle des Eperviers du Togo en Sierra Leone. Nous voulons défendre les droits des ayant-droits, honorer la mémoire de nos proches disparus afin de commencer à faire notre deuil. Par extension, « Lungi À Jamais » se veut une association qui se donne des moyens afin de lutter pour que ces drames n'arrivent plus. C'est ambitieux mais en fédérant nos volontés, on peut y arriver. 10 ans bientôt que vos parents, des citoyens togolais ont perdu la vie dans ce crash d'avion à Lungi en Sierra Léone.
Comment se passe la vie sans ces êtres chers qui vous ont trop tôt quitté ?
Habib Amouzou : Le présent étant en lui-même incertain, il serait difficile de prévoir ce que serait la vie aujourd'hui Une chose est certaine, il y a d'une manière ou d'une autre un vide qui suppose un effort permanent pour le combler. Sans nos parents, la vie n'est plus pareille et ne sera plus jamais pareille. Nous personnellement, nous avons expérimenté le veuvage avec un petit d'à peine 2 ans qui aujourd'hui à un souvenir vague de sa mère. Ce n'est pas facile.
Parlons du volet judiciaire de l'affaire. Comment se passe les indemnisations des ayants-droits des victimes de ce crash ?
Habib Amouzou : Nous avions opté de résoudre ce problème à l'amiable une fois que la responsabilité directe de l'État de Sierra-Leone a été établie. Mais nous ignorions avoir affaire à un État-voyou. On aurait dû aller en procès. Ce pays ne nous considère point, nous en tant que parents des victimes, tout comme l'État. Il n'a aucun respect pour nos défunts. Comment concevoir que 10 ans après, nous devons courir derrière eux pour la réparation financière du dommage subi par leur négligence? Nous sommes aujourd'hui désemparés et ne savons pas à quel saint se vouer. Il faut par moment taper du poing sur la table et repositionner les démarches. L'opacité qui entoure ce dossier nous fait nous poser des questions sur le contenu réel de l'accord signé entre notre avocat Me Dodji APEVON et Freetown. Y-a-t-il eu un deal secret ? Que se passe-t-il exactement ? Fatigués de naviguer dans le flou, « Lungi À Jamais » va trouver des réponses et informer les parents des victimes.
Bénéficiez-vous de l'aide et de l'accompagnement du gouvernement ?
Habib Amouzou : Si c'est le cas, l'aide et l'accompagnement doivent alors être très discrets. Directement on ne sent pas cet accompagnement de notre gouvernement. Le Chef de l ' É t a t a v a i t p r o p o s é personnellement un suivi psychologique aux parents des victimes. Comme d'habitude, il n'y a personne pour mettre en œuvre cette promesse. D'un autre côté, il a été prévu de faire le déplacement à Lungi, pour se recueillir sur les lieux de l'accident... Lettres mortes aussi. Vous convenez avec moi que sans ces actions par rapport à nos disparus, les Sierra-Léonais ne peuvent pas nous prendre au sérieux et donc peuvent nous traiter comme ils le font actuellement. C'est anormal qu'une décennie après qu'on en soit encore à ce stade. C'est tout simplement révoltant. Si les saints sont incapables de faire avancer les choses, et bien nous irons voir Dieu en personne. Le chemin est connu. Nous pensons qu'il serait bien que cette année, la commémoration se fasse de manière nationale.
Certains proposent l'érection d'une stèle au Togo en vue de se rappeler au bon souvenir de ces concitoyens tombés patriotiquement à l'étranger. Partagez-vous ces propositions ?
Habib Amouzou : Cette proposition est normale et c'est ce qui se fait dans tous les pays civilisés. Nos voisins à Ouaga ont érigé une stèle juste un an après les attaques terroristes de janvier 2016. L e p r é s i d e n t Fa u r e GNASSINGBÉ en a fait une promesse aux lendemains de l'accident. Le ministre Christophe TCHAO en charge des Sports en ce moment nous a roulés dans la farine en nous faisant croire l'imminence de la réalisation de la stèle. Après, plus personne n'en parle. Vous trouvez normal que c'est à nous de rappeler cela suite à ce drame national qui a coûté la vie à, entre autres, un ministre encore en fonction, Richard ATTIPOÉ ? Plus haut je vous disais que nous n'arrivons pas à faire notre deuil.
Qui sont les membres de votre association, est-ce seulement les familles des victimes ou d'autres personnes qui veulent témoigner leur soutien peuvent également militer ?
Habib Amouzou : « Lungi A Jamais » est une association ouverte à tous en remplacement du collectif qui ne regroupait que les familles des victimes. Nous voudrions nous servir du drame à nous, pour agir selon nos objectifs sur la prise en charge des victimes d'accidents et pour sensibiliser les voyageurs sur leurs droits etc... C'est ensemble que nous devons faire de grandes choses, que nous pouvons sauver des vies humaines.
Interview réalisée par A.Y.
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