© Afreepress (Lomé, le 11 août 2013) — Le président du Mouvement des républicains centristes (MRC) Abass Frédéric Kaboua incarcéré depuis plusieurs mois à la prison civile de Notsè n’a visiblement rien perdu de sa verve.
L’homme qui a reçu en visite en fin de semaine un reporter de l’Agence Afreepress est largement revenu sur ses conditions de détention, son état de santé et surtout l’actualité politique togolaise.
Lire la suite du grand reportage réalisé sur la prison civile de Notsè et sur les conditions de détention du virevoltant président du MRC, Abass Frédériuc Kaboua.
Abass Kaboua, l’homme à la barbe fournie
Avant l’arrivée du reporter de l’Agence Afreepress au parloir de la prison civile de Notsè, l’homme était déjà là vêtu d’un sous-vêtement sans manches avec le visage masqué par une grosse barbe à la Oussama Ben Laden, une barbe cachant totalement ses joues et son menton.
« Il fait trop chaud ici, c’est pire que l’enfer », décocha celui qui est accusé d’avoir enfreint au secret de l’instruction dans le dossier des incendies des marchés de Lomé et Kara. « Sois le bienvenu mon ami journaliste, tu es venu voir comment se porte le grand frère ? Voilà dans quelles conditions ils m’ont enfermé depuis plus de deux mois déjà, je souffre et je suis malade. Je dois aller me faire soigner en France, mais on refuse de signer mon ordre d’évacuation et on me fait croire que c’est le ministre de la Justice qui doit donner l’autorisation. Je ne comprends pas leur attitude », enchaîna l’homme sans autres formes de procès. Il fit sortir un sachet en plastique contenant des cachets de toutes sortes qu’il dit devoir prendre au quotidien pour entretenir la forme. « Ce sont mes médicaments, je dois les prendre tous les jours. Je souffre d’une tumeur cancérigène, de polype et d’hypertension artérielle. Pour me soigner, ils m’ont emmené deux fois au CHU Sylvanus Olympio à Lomé. Lorsque j’y étais, il n’y avait rien comme matériel soignant, juste un perfuser installé dans un coin de la salle à côté d’un jeune médecin qui s’ennuie dans la salle », rapporta-t-il avant de s'adonner aux salutations d'usage.
Après ces salutations, les échanges s’engagent entre Abass Kaboua et le reporter de l’Agence Afreepress sous la surveillance rapprochée d’un garde positionné là écoutant attentivement les échanges.
C’est un homme resté égal à lui-même malgré le changement de son apparence physique. Pendant plusieurs heures, le plus célèbre prisonnier de Notsè n’a de cesse de rejeter toutes les accusations portées contre lui dans cette affaire. « Je ne suis coupable de rien du tout. Tout ce qu’ils racontent contre moi est faux. Je ne suis mêlé ni de près, ni de loin à ces accusations portées contre moi », martela-t-il reconnaissant simplement avoir cité des noms de personnes proches du dossier des incendies des marchés du Togo. « Ce n’est pas encore un crime pour qu’on m’enferme ici depuis plus de deux mois. Je suis innocent et pour cela, je ne demanderai jamais la clémence à Faure parce que je ne suis pas mêlé à ces incendies », décocha-t-il, puis d’enchaîner sur un ton grave : « Je ne lui fais plus confiance, il a dit aux gens qu’il m’a mis en prison pour me punir. Faure va pleurer un jour dans ce pays, c’est moi qui vous le dis ».
« Je ne me sens pas en sécurité dans cette prison »
Abass Frédéric Kaboua est détenu dans les mêmes conditions que tous les autres prisonniers. Une petite cellule lui sert d’abri. L’insécurité et la violence sont quotidiennes et pour un rien, la vie d’un prisonnier peut être enlevée à tout moment par un autre, confie-t-il à son interlocuteur. « On m’a mis dans une cellule de 2,5 m sur 3. J’ai moi-même mesuré quand j’étais arrivé. Nous étions au départ trente-six (36) détenus dans cette cellule. Actuellement nous sommes six (6). Je suis en cellule avec les grands bandits et les grands criminels de la prison. Ici il y a tous les malfrats, les violeurs, les assassins, des gens qui ont commis des meurtres et les pédophiles. On m’a mis avec eux et tous les jours ma vie est menacée. Je ne me sens pas en sécurité dans cette prison », déclare Abass Kaboua.
Pour se protéger contre toute agression-surprise d’un prisonnier, le président du MRC dit se priver régulièrement de sommeil en écoutant les informations sur l’actualité du pays ou se réfugiant dans la prière. « Je ne dors plus la nuit, j’ai RFI que j’écoute tous les jours pour m’informer et ma bible à côté de moi. Ici je suis coupé de tout. C’est le black-out total », dénonce-t-il.
Abass Kaboua et les résultats des élections législatives
Même en prison, Frédéric Abass Kaboua s’intéresse de très près à la politique et ne rate aucune occasion pour décocher des « flèches » verbales à l’endroit du pouvoir de Lomé et de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Les résultats des dernières élections législatives, l’homme les rejette catégoriquement. « J’ai appris qu’ils ont gagné les élections législatives. C’est faux. UNIR ne peut jamais gagner ces élections. Ils ont encore volé et ont donné des faux résultats comme toujours. S’ils étaient francs et sincères avec le peuple togolais, ils donneraient les vrais résultats », a affirmé avec conviction le président du MRC indifférent à la présence d'un garde derrière lui.
Quant à ses relations avec ses pairs de l’opposition, Abass Kaboua dit qu’elles sont au beau fixe. « Ils sont ici tout le temps. Zeus Ajavon est passé le week-end dernier. Au dernier meeting d’Agbéyomé Kodjo ici à Notsè, lorsque son cortège est arrivé au niveau de la prison, ils ont fait un arrêt et j’ai été applaudi pendant 17 minutes. J’ai chronométré moi-même. De la cour de la prison, j’entendais les mots d’encouragement et de soutien qui m’étaient adressés par les militants. Mes amis de l’opposition ne m’ont pas oublié dans cet enfer », précise-t-il.
Le président du MRC croit qu’on tenterait de décapiter son parti politique. Une décapitation qui serait déjà réalisée, selon lui. « Ils ont débauché tous mes militants et les membres du bureau politique de mon parti avec de petits sous. Ils sont tous partis à cause de l’argent. Ils croient m’avoir eu en soudoyant les membres de mon parti, mais ils se trompent. Même si je suis seul dans mon parti, je vais faire trembler ce pouvoir », lance-t-il avec fureur.
Frédéric Abass Kaboua, président du MRC, parti membre du Collectif Sauvons le Togo est détenu dans l'affaire d'incendie des marchés de Lomé et Kara. Il lui est reproché d'avoir violé l'interdiction à lui faite par la justice de se pronconcer sur le fond de ce dossier.
David B.