(©Afreepress.info/ Lomé, le 21 avril)- Longtemps silencieuse sur les questions de politique nationale, la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP) de Francis Ekon vient de rompre le silence et se prononce sur les derniers faits de l’actualité. Pour Francis Ekon, la mise en place au Togo d’une plate-forme de l’opposition et des organisations de défense des droits de l’Homme est « du déjà vu et la CPP ne s’inscrit pas dans la logique du collectif « Sauvons le Togo »».
La CPP rejoindra-t-elle l’UNIR dans le grand « creuset » rêvé par son fondateur Faure Gnassingbé ? Francis Ekon ne ferme pas la porte à cette éventualité mais pose des conditions : Je ne dis pas que je vais faire partie d’une coalition d’opposition ou d’une majorité présidentielle. Tout dépend de ce que les uns et les autres veulent faire. Je précise que le problème majeur de la CPP, c’est l’intérêt majeur du Togo.
Si cet intérêt majeur se trouve à gauche ou à droite, nous nous insérerons dans cette perspective, mais pas dans le concept théorique des oppositions ou de la majorité », a fait savoir Francis Ekon. Lire l’interview.
Afreepress: Bonjour M. Francis Ekon, pensez-vous que la dissolution du RPT et la création sur ses cendres du nouveau parti, l’Union pour la République est une bonne chose pour le Togo comme le clament les fondateurs de ce nouveau parti?
Francis Ekon : Depuis un certain temps, le Togo est lancé sur la voie du changement. Il y a des changements qui s’opèrent, peut-être sont-ils insensibles à tel point que certains ne les voient pas ?
Ce n’est pas la disparition du RPT qui ouvre la voie au changement, mais cette disparition va permettre d’accélérer un certain nombre de changements.
Afreepress : Quelles peuvent être, selon vous, les retombées positives de la disparition du RPT pour le Togo ?
Francis Ekon : Pour les Togolais c’est un parti qui a été à la base de beaucoup de problèmes et les gens ne se reconnaissaient pas dans le RPT. Aujourd’hui, avec cette disparition, les énergies peuvent travailler pour la construction du pays.
Afreepress: La dissolution du RPT ne crée-t-elle pas un autre problème dans le pays ? Quel sort réservera-t-on aux députés RPT à l’Assemblée Nationale ?
Francis Ekon : Ce problème peut être réglé par la constitution et par le règlement intérieur de l’Assemblée. Je ne comprends pas pourquoi on en fait un problème national.
Afreepress : Il n’y a pas longtemps, certains partis politiques et organisations de la société civile ont mis en place une plate-forme dénommée « Sauvons le Togo », pour, disent-ils, lutter pour la transparence des élections au Togo. Pourquoi la CPP n’en fait-elle pas partie ?
Francis Ekon : Savez-vous, c’est la dénomination même de ce front qui me pose problème. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on va dire que le Togo est en perdition et qu’il faudrait le sauver nécessairement.
Au contraire, si on se souvient du Togo des années 80, on se rend compte que le Togo a connu des moments extrêmement difficiles.
Et aujourd’hui, faire un autre front alors que nous en avons fait plusieurs qui n’ont donné aucun résultat.
La CPP ne s’inscrit pas du tout dans la logique du collectif « Sauvons le Togo ». Pour nous, c’est du déjà vu.
Afreepress : Comment se porte la CPP ?
Francis Ekon : La CPP se porte très bien. Il y a un ou deux ans, la CPP a connu un petit fléchissement, comme tous les autres partis. Mais, le parti a remonté la pente.
Autant le Togolais réclame l’alternance au niveau de l’Etat, autant l’alternance doit être réclamée au niveau des partis. Il est normal qu’un président qui a fait douze ans à la tête d’une institution, cède le pas à une autre personne.
Parler même de leadership à la CPP, relève de l’ignorance parce que lorsque nous avons créé la CPP le 15 août 1999, il y avait déjà une pléthore de leaders.
C’est quatre partis politiques qui se sont réunis pour créer la CPP et tous ces partis sont venus avec leurs leaders.
Aujourd’hui, le départ d’Edem Kodjo ne signifie pas la disparition de la CPP. Kodjo est un démocrate, et il a pensé qu’à partir d’un certain moment, quelqu’un doit lui succéder à la tête du parti.
Afreepress : Quelles sont vos ambitions pour la CPP et partant pour le Togo ?
Francis Ekon : La CPP doit devenir un grand parti. C’est son dessein parce que c’est l’un des partis les mieux implantés au Togo, même si aujourd’hui on n’a pas de député à l’Assemblée.
Depuis Cinkassé jusque dans les villages du Bas-Mono, vous avez des bureaux fédéraux, cantonaux et de villages de la CPP. Mon ambition, c’est que la CPP devienne un grand parti et qu’on ait de nombreux députés à l’Assemblée.
Afreepress : Bientôt les élections législatives et locales. Comment se prépare la CPP pour affronter ces nouvelles joutes électorales ?
Francis Ekon : Il y a deux préoccupations de la CPP. La première, c’est de renforcer les bases du parti partout au Togo. La deuxième, c’est de sensibiliser les militants pour qu’ils puissent amener des moyens au parti, parce que sans moyens, il est difficile d’affronter les élections.
Afreepress : Depuis 1994, le parti n’a plus de député à l’Assemblée Nationale. Peut-on espérer que ces prochaines législatives permettront au parti de retrouver sa place à l’Assemblée ?
Francis Ekon : En 1994, la CPP n’était pas encore née. Elle n’a participé qu’à une élection puisqu’il y a eu le boycott de celle de 2002.
Afreepress : Il y a longtemps que votre parti ne présente plus de candidat aux élections présidentielles, en sera-t-il autrement pour présidentielle de 2015 ?
Francis Ekon : C’est trop tôt pour parler de l’élection présidentielle de 2015. Quand vous dites que le parti ne présente plus de candidat à l’élection présidentielle, en réalité, il n’y a qu’une élection présidentielle à laquelle on n’a pas été candidat.
Il est normal que dans un pays comme le nôtre, il n’y ait pas une pléthore de candidats à l’élection présidentielle. Il faudra voir tout ceci dans la perspective des unions, dans la perspective des regroupements, dans la perspective des programmes. C’est tout cela qui peut à un moment où à un autre nous décider.
Afreepress : Quel regard portez-vous sur la vie politique togolaise ?
Francis Ekon : Elle est très mouvante parce qu’il y avait un parti qui gérait l’Assemblée nationale à lui tout seul qui vient de disparaître, ce qui va énormément secouer le paysage politique. Il serait erroné de croire que ce n’est pas un grand événement politique.
Je crois que nous devons être très attentifs aux modifications qui vont nécessairement s’imposer dans la vie politique togolaise avec la création de l’UNIR et la disparition du RPT.
Afreepress: Votre parti sera-t-il encore prêt à rejoindre une coalition de l’opposition ou préfère-t-il plutôt être membre de la majorité présidentielle dans le cadre de l’UNIR ?
Francis Ekon : Le problème ne doit pas se poser en ces termes. Au Togo, il n’y a pas une opposition, il y a des oppositions parce que les programmes sont différents, les stratégies de lutte sont complètement différentes. Je dirai les comportements face aux problèmes sont des comportements différents.
Afreepress : Est-ce parce que les partis d’opposition s’opposent entre eux ?
Francis Ekon : Vous avez très bien compris. Moi, je ne dis pas que je vais faire partie d’une coalition d’opposition ou d’une majorité présidentielle.
Tout dépend de ce que les uns et les autres veulent faire. Je précise que le problème majeur de la CPP, c’est l’intérêt majeur du Togo. Si cet intérêt majeur se trouve à gauche ou à droite, nous nous insérerons dans cette perspective, mais pas dans le concept théorique des oppositions ou de la majorité.
L’intérêt du Togo avant tout. C’est notre préoccupation.
Afreepress: La CPP est-elle pour ou contre l’alternance au Togo et que fait-t-elle pour que ce vœu soit réalisé ?
Francis Ekon : Un parti politique ne peut jamais être contre l’alternance. Un parti politique a pour vocation de chercher à prendre le pouvoir.
Par conséquent, la CPP est toujours pour l’alternance. Voilà pourquoi je parlais d’alternance au niveau de nos partis. Mais, l’alternance est d’abord un problème politique, ensuite un problème juridique, c’est aussi un problème constitutionnel.
Donc, on ne peut pas dire qu’un parti est pour l’alternance et un autre est contre l’alternance. L’alternance viendra dans le respect de la constitution et des soubassements politiques du pays.
Afreepress: Un mot de fin M. le président ?
Francis Ekon : Le Togo traverse aujourd’hui une période politique que je ne dirai pas trouble, mais très agitée. Je souhaite que les Togolais regardent l’avenir avec sérénité.
Nous, à la CPP, nous avons toujours pris des positions qui naguère n’étaient pas toujours comprises. Mais aujourd’hui, les gens commencent à nous comprendre.
Nous voulons que le pays avance, nous voulons qu’il y ait moins d’injustices, nous voulons que les jeunes aient du travail, nous voulons que les ressources de la nation soient mieux redistribuées.
Nous ne voulons plus avoir un pays avec l’égocentrisme, avec le tribalisme, un pays dans lequel les droits de l’Homme ne sont pas respectés. Nous ne voulons plus de ce pays.
Il y a des périodes où on doit se battre, c’est les périodes des élections et c’est des combats d’idées. Mais on ne peut pas passer tout notre temps dans les rues alors qu’il y a des problèmes extrêmement sérieux qui nous attendent et qu’on peut régler justement par le dialogue et par des comportements citoyens. Je vous remercie.
Propos recueillis par Telli Koffi