©Afreepress-(Lomé, le 27 mai 2015)- Les agents de l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna) ont fait trembler le ciel togolais mardi par une menace de grève qui a été suspendue sur intervention du Chef de l’Etat, dit-on. En effet, pour protester contre le contrôle de l’espace aérien du Togo par le Ghana depuis plus de 70 ans, les agents de l’ASECNA avaient décidé d’observer une journée de grève. La situation reviendra finalement à la normale avec « l’intervention du Chef de l’Etat qui a demandé au Directeur général de l’ASECNA de poursuivre la procédure de sectorisation entamée », apprend-on d’Emmanuel Tallé, porte-parole du comité de veille du préavis de grève à l’ASECNA contacté par l’Agence de presse Afreepress.
Voici en intégralité les propos de celui-ci recueillis par Afreepress.
Afreepress : Les agents de l’ASECNA ont suspendu mardi leur mot d’ordre de grève. Expliquez-nous les raisons de cette grève et ce qui a motivé sa suspension.
Emmanuel Tallé : En 1945, l’organisation internationale de l’aviation civile internationale (OACI) a procédé à la délimitation de ce qu’on appelle les espaces aériens et les centres d’information de vol au niveau des territoires des pays membres. Par exemple le Libéria, la Sierra Leone et la Guinée Conakry sont regroupés ensemble avec un centre de contrôle basé au Libéria à Robess. Le Libéria partage la gestion des redevances générées par le contrôle entre ces trois pays.
Pour ce qui nous concerne, le Togo, le Bénin et le Ghana se sont retrouvé dans un même espace aérien dont le centre de contrôle est basé à Accra depuis 1945. L’ASECNA créée en 1959 a accueilli l’adhésion du Togo en 1964. Mais à ce jour, les redevances générées par la gestion des espaces aériens ne sont pas partagées de la même manière comme le fait le Libéria. Donc depuis 1945, le Togo et le Bénin n’ont jamais bénéficié des retombées sur la gestion de leur espace aérien contrôlé depuis Accra.
En 2012, le comité des ministres de l’ASECNA a demandé à l’ASECNA de procéder à la réorganisation de ces deux espaces aériens pour arriver à leur gestion totale puisque le Togo et le Bénin bénéficient des investissements, des recrutements et de la gestion du personnel payé par l’ASECNA. Une somme qu’elle tire des redevances issues de la gestion des espaces aériens des autres pays membres de l’ASECNA qui sont au total 18 y compris la France.
Les trois Chefs d’Etat du Togo, du Bénin et du Ghana se sont retrouvé à Accra pour remettre en cause cette gestion et ont demandé à leurs ministres de leur proposer une gestion consensuelle. C’est ce qui nous a amenés à attirer leur attention sur un danger. On leur a dit que s’ils laissaient la gestion de leurs espaces aériens au Ghana, cela voudrait dire que le Togo et le Bénin ne pouvaient plus continuer par siéger à l’ASECNA. Conséquence, le personnel de Lomé va se retrouver sur le carreau, le personnel de Niamtougou également. Les expatriés togolais basés à Accra et dans d’autres pays vont eux aussi se retrouver sur le carreau. Les investissements consentis par l’ASECNA en termes d’équipements radar, radio et des autres équipements de guidage seront à l’eau. Nous avons donc demandé à nos dirigeants de réaffirmer leur appartenance à l’ASECNA. Ce qui voudra dire qu’ils vont prendre le contrôle de l’intégrité et de la souveraineté de leur espace aérien qu’ils vont confier à l’ASECNA ce qui entraînera leur contribution à la cognotte commune de l’ASECNA. C’est juste une une question d’équité et de justice.
Mais nous avons constaté que de l’autre côté, nos frères du Ghana traînaient les pas et nous avons été obligés de lancer un mot d’ordre de grève pour que nos autorités puissent prendre des décisions fermes parce qu’à partir du 28 mai, cette procédure risquait d’être dépassée. Il fallait donc aller vite.
Il faut se féliciter que depuis le déclenchement de ce processus, nous n’avons jamais perdu le contact avec notre ministre de tutelle qui nous a reçus quatre fois de suite. Deux fois à son cabinet et deux fois à son domicile. Mêmes les dimanches, nous avons eu à travailler avec lui.
Ce qui a permis de trouver une solution ce mardi matin après avoir déclenché la grève de zéro heure à neuf heures. Notre ministre nous a appelés nous disant qu’il a reçu des instructions fermes du Chef de l’Etat qui lui a demandé de contacter le DG de l’ASECNA pour lui dire de poursuivre la sectorisation qu’il a entreprise. Ce qui voudrait dire que nos revendications ayant été prises totalement en compte et satisfaites, il n’y a plus de raisons de maintenir le mot d’ordre de grève. Ce qui nous a donc amenés à suspendre ce mardi notre mot d’ordre de grève.
Afreepress : Après cette suspension, quelle sera la suite de votre action ?
Emmanuel Tallé : Il y aura ce qu’on appelle un notam, c’est-à-dire un avis aux usagers de l’air qui va leur signaler qu’à partir du 25 juin prochain, les trafics dans les espaces aériens du Togo et du Bénin ne vont plus répondre au centre de contrôle d’Accra. Ils vont plutôt répondre au centre de contrôle aérien basé à Lomé. Nous sommes équipés en radars plus performants que ceux du Ghana. Nous sommes prêts depuis un certain temps pour prendre le contrôle de la gestion de notre espace aérien.
Afreepress : Que pouvez-vous dire de la décision du Chef de l’Etat qui a permis de décanter la situation ?
Emmanuel Tallé : Nous sommes très honorés et félicitons notre président de la République pour cet acte patriotique et salutaire. C’est là un acte historique. Je vous parle de 1945, bien avant les indépendances et rien n’a été fait après les indépendances jusqu’aujourd’hui, à l’époque du Président Faure Gnassingbé qui confirme solennellement la souveraineté nationale de notre espace aérien. Lorsque le Chef de l’Etat quittait Lomé pour Niamtougou, il était entièrement pris en compte par le centre de contrôle aérien d’Accra. Ce n’est pas le Togo qui le contrôlait, ce n’est pas l’ASECNA qui le contrôlait. Ni le Togo, ni le Bénin n’avaient la souveraineté de leurs espaces aériens. Mais aujourd’hui, les deux pays ont confirmé la souveraineté nationale de leur espace. Ils ne seront plus regardés de la même façon au niveau de l’ASECNA. Cela voudrait dire que les Togolais et les Béninois vont enfin vivre des redevances de leur espace aérien et vont apporter leur pierre à la cagnotte de l’ASECNA.
Ils vont bénéficier des équipements et du savoir-faire de l’ASECNA qui a une longue expérience dans ce domaine.
Afreepress : Dites-nous si entre zéro heure et neuf heures du matin ce mardi, il y a eu des perturbations au niveau des vols.
Emmanuel Tallé : Lorsqu’il y a ce genre de problème, il faut les prévenir qu’un aéroport est fermé ou qu’il y a une grève du personnel. Donc, dès votre aéroport de départ, vous êtes informés et vous saurez quelles sont les dispositions que vous devez prendre.
Il a été donc été lancé cet avis aux navigateurs pour leur dire que les deux espaces aériens du Togo et du Bénin seraient fermés. Mais la plupart des compagnies ont gardé contact avec nous et étaient informées de l’évolution de la situation. La plupart ont donc maintenu leur programme de vol et attendaient. Sauf d’autres qui devraient naviguer entre zéro heure et huit heures du matin ce mardi qui ont revu leur plan de vol.
Propos recueillis par A.G.