©Afreepress-(Cotonou, le 24 août 2015)- Le Bénin ira aux urnes au plus tard en février 2016 pour élire son prochain Président de la République. Aux portillons du Palais de la Marina, des dizaines de candidats se bousculent. Parmi les favoris de cette élection présidentielle, un nom est cité de façon insistante : Patrice Talon. Entre-temps banni du territoire national et exilé en France sur une accusation de : « tentative d’empoisonnement » sur la personne du Président Yayi Boni, ce richissime homme d’affaires est de retour au-devant de la scène et ne cache à pas son envie de succéder à Yayi Boni.

 

Dans une interview accordée à nos confrères de Radio France Internationale (Rfi) et transcrite par l’Agence de presse Afreepress, Patrice Talon confie être en discussion avec les leaders de la classe politique béninoise en vue de mettre en place une coalition politique autour de sa candidature. Parviendra-t-il à ses fins alors qu’il a en face de lui, des candidats de taille ? En tout cas l’homme croit en ses chances et attend le bon moment pour officialiser sa candidature.

 

Lire l’interview.

 

Christophe Boisbouvier : Patrice Talon bonjour. Un opérateur économique qui se lance dans la politique. Il faut dire que ce n’est pas très courant. Qu’est-ce que vous pouvez apporter de plus aux Béninois ?  

 

Patrice Talon : Il faut reconnaitre que le Bénin présentement est dans une passe difficile. Toutes les institutions ont perdu la confiance du peuple et le pouvoir exécutif s’est révélé à la fois surpuissant et décadent. Dans un tel contexte, il n’est pas impertinent de souhaiter qu’un homme ayant à la fois les réflexes du management entrepreneurial et la connaissance du milieu politique prenne la main pour rassembler afin d’opérer les mutations qui s’imposent.

 

Votre slogan pourrait être donc : « ce qui est bon pour mon entreprise, peut être bon pour le Bénin ». L’italien Sylvio Berlusconi et le Malgache Marc Ravalomanana  ont fait campagne sur ce thème mais ça ne s’est pas très bien terminé pour eux.

 

Oui, il n’y a pas de vérité absolue. Mais j’estime tout de même que l’entreprise est à l’image de la République. Les galons visibles d’un chef d’entreprise sont plutôt un atout pour la gestion du pays.

 

Afin de consolider la démocratie au Bénin vous dites qu’il faudrait un mandat unique pour le futur président. Mais quand un chef d’Etat réussit, pourquoi ne pas lui permettre de faire un second mandat à la façon d’un Barack Obama ?

 

C’est vrai, mais le paradoxe est ceci, c’est en effet la quête d’un second mandat qui empêche la réussite du premier. Mieux vaut une succession de mandats uniques réussis, même moyennement, que des doubles mandats calamiteux en général.

 

Ce projet économique et politique que vous défendez, est-ce que vous ne pouvez pas le porter vous-mêmes en étant candidat à la prochaine présidentielle ?

 

Vous savez, si votre idéal n’est pas une fiction et ne relève pas du miracle, pourquoi s’obstiner à chercher indéfiniment un porteur ? Pourquoi ne pas aller au charbon soi-même?  

 

C’est une tentation ?

 

Parfois, lorsqu’on a envie de partir de cette terre avec ses illusions intactes, il faut pouvoir aller au charbon.

 

Pendant deux ans, Patrice Talon de 2012 à 2014, vous avez été accusé de tentative d’empoisonnement  par le Président Boni Yayi. Aujourd’hui cette affaire est classée mais est-ce que ce bras de fer ne vous a pas transformé ? Si cette affaire ne vous était pas tombée dessus, est-ce que vous serez impliqué comme vous le faites actuellement en politique ?  

 

Ce n’est pas l’affaire dite de tentative d’empoisonnement et celle dite de tentative de coup d’Etat qui ont été à l’origine de la brouille entre le Président Yayi Boni et moi. C’est bien l’affaire de la révision de la constitution…

 

A laquelle vous vous êtes opposé !

 

Tout à fait. J’avoue que ce différend m’a effectivement plongé au cœur de l’action politique. Quatre ans durant, j’ai eu l’occasion de constater et d’examiner à la loupe, les travers du pouvoir et les faiblesses d’un système devenu   dangereux pour les siens. Cela m’a transformé, ça c’est vrai.

 

Etre candidat ou pas, à quel moment prendriez-vous votre décision ?

 

Cette question est l’objet de mes échanges actuels avec la classe politique. La question de ma candidature éventuelle ou de ma candidature relèvera d’une décision concertée avec la classe politique. Je ne peux pas vous dire plus.

 

Depuis trois ans Patrice Talon, vous vivez en exile à Paris. Prendriez-vous votre décision avant ou après votre retour au Bénin ?

 

Après mon retour au Bénin.

 

D’ici combien de temps donc ?

 

Je pense dans quelques jours, quelques semaines au plus tard.

 

Les poursuites contre vous ont été abandonnées mais est-ce que vous ne craignez pas pour votre sécurité lors de votre retour au Bénin ?

 

Comme je viens de vous le dire, je rentre bientôt d’autant plus que les autorités de mon pays m’ont délivré il y a quelques heures, un laisser-passer en bonne et due forme en raison de la non validité de mon passeport qui est arrivé à expiration. Je peux vous avouer que je n’ai aucune crainte pour ma sécurité chez moi. Le pays est une terre de non-violence.

 

Et avez-vous la garantie qu’il ne vous arrivera rien ?

 

Je ne crains rien du tout.

 

Au fond, quel rassemblement politique peut-il se faire autour de votre personne avant de sauter le pas ?

 

On ne peut pas être candidat aux élections présidentielles comme ça, tout seul contre la classe politique. J’ai des amis de longue date et je compte, d’une manière ou d’une autre contribuer à la renaissance de mon pays.

 

On ne peut pas être candidat contre les partis politique…

 

Ce n’est pas souhaitable. Il s’agira d’opérer des réformes majeures et cela ne peut se faire sans la classe politique.

 

Surtout que vous-même vous n’avez pas de parti politique maintenant. Donc il vous faut un minimum de soutien. Vos discussions avec les hommes politiques, cela voudrait-il dire que vous êtes dans une stratégie de ralliement de plusieurs hommes politiques vers vous ?

 

Il faudra rassembler. C’est vrai que je suis dans une démarche de rassemblement mais il n’y a pas de stratégie de ralliement. Quand on est sincère et transparent, il faut exposer sa vision et espérer qu’elle suffise à elle-seule pour susciter l’adhésion.

 

Dans l’opposition il y a deux poids lourds, Adrien Houngbédji et Bruno Amouzou qui ne peuvent plus se présenter à cause de leur âge. Où en êtes-vous dans vos contacts avec  eux ?

 

Je continue d’échanger avec tout le monde, y compris des leaders du camp de Yayi Boni, il faut rassembler.

 

Parmi les favoris à cette élection dans six mois il y a le banquier international Abdoulaye Bio-Tchané, l’ancien directeur du cabinet militaire Robert Brian, l’ancien Premier ministre Pascal Koupaki, l’actuel Premier ministre Lionel Zinsou. Parmi ces quatre hommes, quel est à votre avis le candidat le plus sérieux ?

 

Ce sont tous des amis et des connaissances que je respecte et qui ont un rôle à jouer. Ce sont des candidats et des potentiels candidats majeurs.

 

Quand vous dites : « je suis arrivé à un âge où on a envie de tout donner », qu’est-ce que ça veut dire ?

 

Je suis un homme passionné dans tout ce que j’entreprends. Dans le domaine qui est le mien, le commerce et l’industrie, je n’ai plus beaucoup de motivation parce que j’ai observé combien tout ça est très fragile quand les fondamentaux de la République et de la démocratie ne sont pas solides.

 

Quand on a vraiment envie de laisser des traces, quand on a envie de voir son œuvre durer et perpétuer, il faut contribuer à consolider les fondements de la République et de la démocratie et ça passe malheureusement, sinon exclusivement par la politique, la gouvernance de la cité parce que toutes les Républiques, toutes les nations qui se sont effondrées, ce sont effondrées principalement à cause de la décadence de la cour.

 

En fait vous êtes tenté hein !

 

Oui, je suis tenté M. Boisbouvier.

 

Interview RFI (audio) transcrite par Afreepress.info