Exclusivité/Le Togolais Firmin AKOLLOR, victime de piraterie dans le Golfe de Guinée témoigne : « Les pirates étaient bien armés avec des Kalachnikov (AK-47)» Spécial

Écrit par  Publié dans Interviews mardi, 15 septembre 2015 08:05
Commandant Firmin Fo-Efoé AKOLLOR Commandant Firmin Fo-Efoé AKOLLOR

©Afreepress-(Lomé, le 15 septembre 2015)- Il est le commandant du Pétrolier-chimiquier Gascogne, appartenant à l’armateur français Sea-Tankers. Un navire qui a été arraisonné aux larges de la Côte d’Ivoire dans la nuit du 2 au 3 février 2013 par un groupe de pirates venus du Nigéria. Pendant plusieurs jours, l’équipage sera  détenu et malmené par ce groupe de criminels qui ont pris soin de délester le navire de sa contenance. « C’est un groupe de 10 personnes dans une vedette rapide propulsée par un moteur hors-bord très puissant. Les pirates étaient bien armés avec des Kalachnikov (AK-47) chacun, 4 caisses de munitions, 2 lances roquette anti-char, des couteaux et gourdins. Ils sont venus au grand large par un bateau de soutien, soit un bateau de pêche, soit un ravitailleur de plateforme (…). Ils ont demandé la liste de l’équipage et ont fait un appel avec reconnaissance afin de s’assurer que tout le monde était présent. Ensuite ils vous dictent leur loi avec intimidation et menacent de faire feu sur quiconque ne veut pas obéir. Il faut dire qu’ils sont bien organisés. Ils se mettent dans un état secondaire complètement drogués », relate deux ans après à Afreepress, M. AKOLLOR.

 

Pour le commandant, les Etats doivent prendre leurs responsabilités afin de protéger les navires marchands. Il en va de leurs intérêts économiques. Raison pour laquelle il salue l’initiative prise par le Togo d’organiser un sommet sur la sûreté et la sécurité maritime en Afrique. « C’est une initiative à saluer car il faut prendre conscience du phénomène qui risque de tout gangréner si on ne s’attaque pas à la racine pour éradiquer le mal. », a-t-il fait savoir.

 

Lire l’intégralité de l’entretien accordé à Afreepress et au journal Actu Express par le commandant Firmin Fo-Efoé AKOLLOR.

 

Afreepress : Bonjour Monsieur Firmin Fo-Efoé AKOLLOR. Vous êtes marin et habitué des eaux africaines et mondiales. Parlez-nous de votre parcours, qu’est-ce qui vous a conduit à ce métier ? Comment devient-on marin ?

 

Firmin Fo-Efoé AKOLLOR : Comme tout métier on devient marin soit par vocation soit par concours de circonstance. Mon cas était par vocation parce que je suis né et j’ai grandi au bord de la lagune et la mer.

 

L’accoutumance à l’eau s’est faite depuis mon tendre enfance à Adjido (Aného). Je suis rentré à la Marine Nationale par voie de concours et ai fait mes études à l’Ecole Navale de Brest en France. Ensuite j’ai quitté la marine nationale pour continuer dans la marine marchande

 

Est-ce un métier reposant ?

 

Pas du tout. C’est un métier très exigeant et contraignant. Au moins 10h de travail par jour. Le repos n’intervient que si on est en congés.

 

La piraterie maritime fait partie des dangers de la mer en dehors des dangers naturels comme les tempêtes. Vous-même en avez été victime en votre qualité de Commandant du Pétrolier-chimiquier Gascogne, appartenant à l’armateur français Sea-Tankers. Que s’est-il passé dans la nuit du 2 au 3 février 2013, alors que vous vous trouviez au large du port ivoirien d’Abidjan ? Que faisiez-vous ? Racontez-nous un peu cette expérience que vous avez vécue.

 

Nous étions à 60 nautiques (environ 110 km) au Sud du port d’Abidjan à petite vitesse en attente d’une opération quand on a été attaqués dans la nuit du 02 au 03 février 2013. C’est un groupe de 10 personnes dans une vedette rapide propulsée par un moteur hors-bord très puissant. Les pirates étaient bien armés avec des Kalachnikov (AK-47) chacun, 4 caisses de munitions, 2 lances roquette anti-char, des couteaux et gourdins. Ils sont venus au grand large par un bateau de soutien, soit un bateau de pêche, soit un ravitailleur de plateforme.

 

Comment les pirates ont-ils pu aborder un navire de grande taille comme le vôtre ?

 

Ils étaient 4 dans un premier temps arrivés par l’arrière du navire et n’ont pu être détectés par le radar. Ils sont montés à bord par une fine échelle en aluminium qu’on peut rallonger sur 12 m fabriquée par eux-mêmes avec au bout 2 crochets. Ils ont réussi à accrocher l’échelle au rebord du navire et sont montés à bord. Le 1er groupe de 4 personnes armées jusqu’aux dents ayant pris le contrôle du navire, ont appelé le reste du groupe par un téléphone portatif Iridium pour rejoindre le navire. La prise de contrôle du navire s’est faite par un rassemblement de tout l’équipage à la passerelle. Ils ont demandé la liste de l’équipage et ont fait un appel avec reconnaissance afin de s’assurer que tout le monde était présent. Ensuite ils vous dictent leur loi avec intimidation et menace de faire feu sur quiconque ne veut pas obéir. Il faut dire qu’ils sont bien organisés. Ils se mettent dans un état secondaire complètement drogués.

 

Ils ont un autre navire de soutien (bateau mère) qui les transporte sur les lieux d’opération. Ils y vivent à bord jusqu’à ce qu’ils attrapent une proie.

 

Pourquoi n’aviez-vous pas réagi ? Est-ce la puissance de feu des pirates qui vous avait paralysés ou c’est parce que vous n’étiez pas bien équipés pour une riposte appropriée ? 

 

Il faut savoir que le port d’arme est interdit sur tous les navires marchands. Alors il est impossible de riposter avec les mains nues. Le seul moyen à notre disposition est de donner l’alerte sans qu’ils ne sachent. On a des équipements cachés à cet effet. Ce qu’on a d’ailleurs fait pour que l’armateur et le pavillon du navire sachent qu’on a été piratés.

 

Vous étiez ensuite conduit au Nigeria. Quelles était la réaction des marines nationales ivoirienne, ghanéenne, togolaise, béninoise et nigériane durant ce parcours ?

 

Le pavillon et l’armateur du navire ont déclenché la cellule de crise. Des contacts ont été pris avec les différentes marines nationales de la sous-région et la marine nationale française dont un navire était en escale à Dakar. La coordination a suivi son cours et on a été suivis par satellite le long de notre parcours. La marine nationale nigériane se préparait à donner l’assaut quand on a été finalement libérés au bout de 3 jours de captivité.

 

Quel groupe de pirates vous ont-ils attaqué ? Fondamentalistes religieux (Boko Haram) ou les Indépendantistes du Delta du Niger (MIND) ?

 

C’était un groupe des bandits professionnels qui ont l’habitude de ce genre d’opérations. La composition est sélective (marins – mécaniciens – anciens militaires etc.)

 

Une fois au Nigeria, que s’est-il passé ? Qu’ont-ils volé au navire et à l’équipage ?

 

Une fois au Nigéria près de leur base dans le Delta, ils ont transbordé les produits (Gasoil et Fuel) dans un autre navire qui nous attendait. Toutes les manœuvres ont été conduites par eux-mêmes. Nous avons été enfermés pour ne pas voir le navire dans lequel ils transbordaient les produits.

 

Est-ce vrai que certains membres de votre équipage ont été blessés ? Quel est le nombre et la nationalité des membres de votre équipage ? 

 

Oui il y a eu deux blessés graves. Le second capitaine qui a été poignardé au dos à couteau et un lieutenant, tabassé au rein par la crosse de fusil.

 

On était 18 personnes à bord de nationalités différentes (Togo – Bénin – Côte d’ivoire – Sénégal – Corée du sud et Chinois). Le navire était affrété par une compagnie Sud-coréenne.

 

 

Vous étiez enfin libérés sains et saufs et reçus au Port de Lomé. Vous aviez frôlé le pire. Est-ce la première attaque pirate que vous subissiez durant près de 30 ans de carrière sur les océans et mers du monde?

 

Oui c’était la première fois que j’ai été attaqué et pris par les pirates.

 

Quelles mesures de sécurité prenez-vous désormais sur votre bateau pour éviter d’être une nouvelle fois victime de ces pirates ?

 

Il existait déjà des mesures de sécurité anti pirate en vigueur à bord du navire. Elles ont été renforcées pour éviter ce genre d’évènement malheureux. Mais on n’est pas à l’abri total car la zone du Golfe de Guinée est devenue très dangereuse.

 

Pensez-vous que les Etats peuvent jouer un rôle pour l’éradication de ce phénomène ?

 

Oui, par une volonté politique en y mettant les moyens adéquats. Renforcement des patrouilles maritimes voire aériennes par les marines nationales respectives. Elles doivent être dotées de moyens logistiques (les navires) capables de se déployer rapidement et se projeter sur les théâtres d’opération. C’est ce qui a été fait en Somalie dans la Corne de l’Afrique pour venir à bout des pirates et éradiquer le mal.

 

En tant que marin, dites-nous les manques à gagner de la marine marchande dus à ce phénomène?

 

Le préjudice subi n’est pas négligeable. Certains ports de la sous-région où l’insécurité règne ne sont plus fréquentés. C’est le cas du Nigéria. Les compagnies maritimes évitent d’envoyer leurs bateaux dans les zones dangereuses. Et si les bateaux doivent y aller, c’est en convoi sous protection de gardes armées. Et ça coûte très cher. Les assurances des navires qui opèrent dans nos zones ont explosé au coût très élevé. Ce qui bien entendu va être répercuté sur le coût du fret.

 

Ancien Commandant de bord de la marine nationale togolaise dans années 80-90, votre pays s’apprête à abrité le sommet des Chefs d’Etats africains sur la sécurité maritime. Quels sont vos sentiments ? Quelques conseils avec votre expérience dans le domaine ?

 

C’est une initiative à saluer car il faut prendre conscience du phénomène qui risque de tout gangréner si on ne s’attaque pas à la racine pour éradiquer le mal. Ces bandits y gagnent énormément d’argent et ne sont pas prêts d’abandonner si vite s’ils n’ont pas en face une force armée pour les anéantir. Le Togo a pris la mesure du danger en créant une zone de sécurité sur la rade de Lomé qui est surveillée en permanence par la marine nationale. Tout cela est maintenant coordonné par une préfecture maritime qui vient d’être créée tout récemment. Ce qui est largement apprécié par les compagnies maritimes qui opèrent dans la sous-région. Ce sont ces nombreux navires que vous pouvez voir au mouillage au large de Lomé. La grande partie ne va pas faire escale au port de Lomé. Ils viennent pour faire des transbordements. Certains préfèrent rester en attente au large de Lomé alors qu’ils ont prévus d’aller à Cotonou ou Lagos .

 

Nous vous remercions pour votre disponibilité à partager vos souvenirs et expériences, et nous vous souhaitons bon vent.

 

Interview réalisée par : Isidore Sassou Akollor (Actu EXPRESS) et  Olivier Adja (Afreepress).

 

Dernière modification le mardi, 15 septembre 2015 12:57
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