© Afreepress-(Lomé, le 11 janvier 2016)-Depuis le début de cette année, le Port autonome de Lomé (PAL) tourne au ralenti à cause de l’incompréhension qu’il y a entre l’Office togolais des recettes (OTR) et les transitaires dits non agréés avec en toile de fond l’instauration d’un badge.
Dans une interview accordée à l’Agence de presse Afreepress, Patrick Akadjao Sizing, le secrétaire général du Syndicat libre des transitaires et opérateurs économiques du Togo (SYNLITOPE-Togo) retrace tout, du sit-in organisé par les syndicats des transitaires à la détermination des non agréés de faire plier l’OTR en passant par la conception qu’ils ont de l’instauration du badge.
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Afreepress.info : Bonjour monsieur Sizing. Par un communiqué en date du mardi 5 janvier, le collectif des transitaires non agréés a lancé une grève sur toutes les plateformes où intervient l’OTR, en vue d’amener cet office à revenir sur sa décision concernant l’entrée en vigueur des badges. Le mot d’ordre de grève est-il respecté ? A quel pourcentage ?
Patrick Akadjao Sizing : Quand l’OTR avait sorti un communiqué pour instaurer le port de badge à la division de la douane Lomé Port, tous les transitaires agréés comme non agréés se sont indignés lorsque nous sommes arrivés le lundi 4 janvier 2016, nous nous sommes dit que l’OTR voudrait vraiment balayer. Ce ne sont pas des réformes mais c’est une façon de renvoyer tous les transitaires non agrées et c’est en ce sens que tous les cinq (5) syndicats des transitaires qui opèrent au Port autonome de Lomé (PAL) se sont levés pour dire que cela n’était pas possible.
Notre mot d’ordre de grève a été respecté sérieusement à plus de 90%.
Afreepress.info : Le mardi à la TVT, le commissaire des douanes et des droits indirects, Kodjo Adédzé a réaffirmé que l’OTR ne reviendra pas en arrière. Le jeudi suivant, les choses ont dégénéré et c’est à coups de gaz lacrymogènes que vos collègues ont été dispersés. Que s’est-il passé ?
Patrick Akadjao Sizing : Il y a un adage qui dit qu’aucun sacrifice n’est jamais trop grand lorsqu’il s’agit de la jeunesse. Je pense que ces messieurs ne se soucient pas de l’intérêt de cette jeunesse, ces messieurs qui accompagnent le chef de l’Etat, Faure Gnassingbé alors que ce dernier a décrété ce mandat comme mandat social. Mettre à l’écart plus de 10.000 ou 20.000 transitaires non agréés comme ça, prouve à suffisance qu’il ne s’agit pas d’un mandat social. A mon humble avis, ils font tout pour provoquer une déstabilisation dans le pays pour que la population se lève contre le chef de l’Etat.
M. Adédzé a dit que l’OTR ne va pas reculer. Nous aussi nous disons que nous n’allons pas fléchir à partir du moment où ils ne reviennent pas sur leur décision. On pouvait procéder par des badges anonymes pour que le transitaire agréé ou non, puisse faire ses opérations et laisser le badge une fois qu’il finit. Personnellement, je suis d’une société, personnalité morale reconnue par le fisc et dont le personnel est inscrit à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Au nom de l’intérêt général, je ne peux voir mes camarades balayés comme ça d’un revers de la main et je vais rester les bras croisés, soi-disant que je suis dans le formel.
Nous craignons aussi que l’insécurité s’accentue si on renvoie les 10 ou 20.000 transitaires, même la prostitution risque de connaître un envol parce qu’il y a beaucoup de femmes parmi nous. De toute façon, nous n’allons pas céder si l’OTR ne fléchit pas.
Il faut aussi que nous précisions que tout l’OTR n’est pas concerné par cette affaire. Le commissaire général de l’OTR, M. Gaperi par exemple est un homme humble. Il est à la tête de l’OTR mais je vous assure que ce sont certaines personnes qui prennent les décisions pour qu’il soit responsable.
Afreepress.info : Quel est aujourd’hui l’état d’esprit des 8.000 transitaires non agréés ? Sont-ils prêts à aller jusqu’au bout de leurs exigences ?
Patrick Akadjao Sizing : Les 8.000 transitaires non agréés dont on parle est un chiffre imaginaire. C’est un chiffre en deçà de ceux qui sont concernés par la présente situation, vu le recensement dont nous disposons.
Pour répondre à votre question, ils sont allés trop loin. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à aller jusqu’au bout, au-delà de toute exigence que nous impose l’OTR. Mais nous sommes aussi ouverts au dialogue et à la discussion. A tout moment, lorsque nous sommes invités, nous irons discuter avec eux pour trouver des solutions adéquates et propices.
Ce badge dont on parle n’est ni numérisé ni ne permet au porteur d’aller faire une opération dans une banque ou dans une institution professionnelle qui nécessite une carte ou un badge professionnel, c’est un badge simple tout comme les autres badges que le port nous délivre. Parfois aussi, on tente de nous parler de la sécurité au Port autonome de Lomé (PAL). Au port, il y a le préfet maritime, le Directeur général du PAL, la gendarmerie et la police qui assurent la sécurité, on ne peut pas nous dire que c’est l’OTR qui viendra sécuriser, ça n’a pas de sens.
Afreepress.info : Dites-nous M. Sizing, qu’est-ce qui vous empêche aujourd’hui de vous conformer à la nouvelle donne ? Est-il difficile aux 8.000 transitaires non agréés de se faire prendre en charge par des
commissionnaires agréés ?
Patrick Akadjao Sizing : Nous ne sommes pas en train de refuser le port de badge, c’est leur système, une mafia qu’ils organisent, voilà pourquoi nous avons dit que nous n’allons pas fléchir. Nous sommes prêts à accepter le badge, conformément aux normes qui vont nous permettre d’accomplir notre devoir, celui d’aller travailler, de chercher notre pain quotidien pour survivre. A partir du moment où ils font ces exigences qui ne sont même pas valables et que mêmes les commissionnaires agréés qui demandent dix badges mais n’ont que deux ou trois, nous croyons qu’il y a un problème, pour ce qui nous concerne, nous non agréés, nous sommes dehors.
Secundo, quand vous dites que nous ne voulons pas nous conformer à la nouvelle donne, c’est faux. Nous leur avons proposé plusieurs choses, notamment ce que nous appelons au SYNLITOPE l’imposition de l’impôt sur le droit des déclarations informelles. Cet impôt devrait permettre à l’informel de payer sur le cordon douanier sa taxe, ce qui fera de lui un professionnel. Dans le document de proposition que nous avons envoyé à tous les services de l’OTR, nous avons parlé de plusieurs points qui devraient permettre de booster l’économie nationale, mais ils n’ont pas voulu prendre en compte toutes ces propositions.
C’est la raison pour laquelle nous avons fait un plaidoyer pour solliciter la faveur du chef de l’Etat afin qu’il puisse revoir la situation pour qu’elle ne se dégénère pas dans le pays. Vouloir instaurer à tout prix ce système, c’est vouloir déstabiliser la politique du chef de l’Etat.
Afreepress.info : Avez-vous pu déjà rencontrer les autorités de la douane depuis le début de vos manifestations ?
Patrick Akadjao Sizing : Non, jusqu’à ce jour, nous n’avons pas encore rencontré ces autorités mais elles sont au parfum de nos revendications. Je pense que dans les jours à venir, nous allons encore les approcher pour voir dans quelle mesure nous allons trouver un créneau palliatif.
Afreepress.info : Un mot de fin ?
Patrick Akadjao Sizing : Je prie les transitaires d’être solidaires et de ne pas fléchir, d’être ouverts aux discussions et à la négociation.
Propos recueillis par Bernadette A.