© Afreepress (Lomé, le 6 Nov. 2012) — La nième sortie médiatique de Me Yawovi Agboyibo depuis moins de trois semaines, il l’a opérée à la faveur d’une lettre ouverte adressée à M. Ekoudé IHOU, docteur de médecine et ancien ministre de la Santé sous la transition Koffigoh.
Le président d’honneur du Comité d’action pour le renouveau (CAR) est largement revenu dans cette lettre sur les accusations que porte Dr IHOU contre sa personne dans « l’échec » du processus démocratique du Togo et a tenu à donner sa « version » des faits qu’il reproche au Dr IHOU de chercher à « tronquer ».
« Je suis choqué de constater qu’au lieu de me convaincre (…) par des arguments pertinents, vous ayez choisi de s’en prendre à moi en des termes injurieux, en revenant sur le tournant douloureux que notre processus démocratique a connu à la suite des élections législatives de 1994 », écrit le Bélier noir de Kouvé. Lire la lettre.
Dr IHOU,
J’ai lu la lettre que vous m’avez adressée le 1er novembre 2012 par le canal du site republicoftogo.com.
En lisant de près votre courrier j’ai compris que votre intention première est de désapprouver la position que j’ai exprimée le dimanche 21 octobre 2012 sur Nana FM dans le cadre du débat concernant la question de savoir si l’UFC membre de la coalition gouvernementale au pouvoir pouvait se faire attribuer trois des cinq sièges de l’opposition parlementaire au sein de la CENI.
Ma position, je tiens à le souligner, s’impose par respect à la fois des textes et du bon sens. Au parlement on est opposé à un GOUVERNEMENT et non à un parti politique. Une formation politique ne peut prétendre avoir la qualité d’opposition à un gouvernement dont elle fait partie et qui a été investi par ses élus.
Je suis choqué de constater qu’au lieu de me convaincre du contraire par des arguments pertinents, vous ayez choisi de s’en prendre à moi en des termes injurieux, en revenant sur le tournant douloureux que notre processus démocratique a connu à la suite des élections législatives de 1994. Vous évoquez ce triste passé pour me reprocher de n’avoir pas accepté la nomination de M. Edem Kodjo comme premier ministre et d’avoir refusé d’occuper le poste de président de l’Assemblée Nationale. Vous avez une fois de plus tenté de blanchir votre ami Edem Kodjo et de salir la victime que j’ai été.
Ce réveil du passé me parait d’autant plus inopportun que nous sommes à un moment où nos populations sont allergiques à tout propos de nature à diviser les acteurs politiques et à affaiblir la lutte pour le changement.
Il se trouve que les faits que vous alléguez sont d’une extrême gravité. Je ne peux les passer sous silence sans faire du tort à tous ceux qui en ont pris connaissance. C’est en vue de les éclairer que je me fais le devoir de rappeler sans polémique trois des actes posés à l’époque par M. Edem Kodjo et qui sont à l’origine de la tragédie politique de 1994 dont notre processus démocratique continue à souffrir jusqu’à ce jour.
1. Premier acte : le 14 mars 1994, le jour même de la publication des résultats des législatives, Monsieur Edem Kodjo a déclaré sur RFI que son parti UTD est un parti charnière et s’en était pris aux agences de presse qui avaient annoncé la victoire de l’opposition en comptabilisant ses 7 élus avec les 36 du CAR. Tout le monde avait compris que l’UTD, le parti d’Edem Kodjo a pris ses distances par rapport au CAR et a conclu une alliance avec le RPT. Grâce à cette alliance RPT-UTD, il a été nommé premier ministre et a été investi par les députés du RPT avec en contrepartie l’abandon de la présidence de l’Assemblée nationale au RPT et l’attribution de la quasi-totalité des portefeuilles ministériels à l’ancien parti unique.
Comment pouvez-vous dans ces conditions, Dr Ihou, vous permettre d’écrire que si le CAR avait accepté de faire front avec l’UTD en 1994, Gnassingbé père ne serait pas demeuré au pouvoir jusqu’à sa mort en 2005 et que son fils Faure ne lui aurait pas succédé !
2. Deuxième acte : Monsieur Edem Kodjo a violé l’accord signé le 26 mars 1994 par le CAR et l’UTD au domicile de Me Hegbor en présence de trois de ses collaborateurs ; accord aux termes duquel « l’UTD a accepté que le poste de premier ministre soit occupé par une personnalité désignée par le CAR », étant entendu que la présidence de l’Assemblée nationale devait revenir à une personnalité de l’UTD.
En acceptant le poste de premier ministre en violation de cet accord, M. Edem Kodjo savait qu’il venait de violer de surcroit un engagement qu’il a pris devant un prêtre avant les élections et qui a servi de base à l’accord en question.
3. Troisième acte : Le Bureau Exécutif de l’UTD s’étant employé lors d’une réunion du 16 mars 1994, de dissuader Edem Kodjo de vouloir se faire nommer premier ministre, ce dernier a cherché à venir à bout de sa résistance en affirmant que moi Agboyibo, j’aurais déclaré à son collaborateur M. Hyppolite Kouevi, que quel que soit celui de nos deux partis qui sortirait vainqueur des législatives, j’accepte qu’il soit nommé premier ministre. Edem Kodjo savait que ce qu’il disait était faux. C’est pourquoi, il glissa aussitôt après une note manuscrite à M. Kouevi Hyppolite pour le prier de ne pas le désavouer. M. Kouevi Hyppolite regretta par la suite de s’être tu en rendant publique la note manuscrite d’Edem Kodjo dans le journal Le Regard n°52 du 19 août 1997.
Dr IHOU,
Vous convenez, au vu des éléments qui précèdent et que vous connaissez parfaitement que c’est en travestissant la vérité que vous cherchez à blanchir Edem Kodjo à mes dépens. Dans la mémoire collective du peuple togolais, il n’existe le moindre doute sur la personnalité qui a trahi à la suite des législatives de 1994.
Je vous convie à cesser de falsifier l’histoire.