© Afreepress (Lomé, le 31 mars 2015)-Depuis 2 semaines, la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT) est en cessation d’activité suite à une grève lancée par les syndicats exigeant la satisfaction de leurs revendications avant toute reprise des activités.
L’arbitrage du premier ministre, Arthème Ahoomey-Zunu, du ministre en charge des mines, Dammipi Noupokou n’a pas réussi à calmer les syndicalistes qui ont d’ailleurs quitté la table des discussions.
La situation devient plus compliquée pour une entreprise qui relève doucement des cendres depuis 2008. Le conseil d’administration de la SNPT menace de fermer la SNPT si les ouvriers ne reprennent pas vite le travail.
Michel Kézié, Directeur Général de la SNPT appelle les syndicats au sens de responsabilité. Lire l’entretien accordé à l’Agence Afreepress.
Afreepress.info : La SNPT est en cessation de travail depuis plus de deux semaines. Que se passe t-il exactement ?
Michel Abalo Kezie : Effectivement ! C’est à la suite d’une grève lancée depuis le 10 mars par les employés de la SNPT alors même que nous étions encore en discussions avec les syndicats.
Le rubicond a été franchi dans cette grève sans service minimum ce qui remet en cause tous les efforts de relance de la filière engagés depuis plus de 07 ans.
C’est l’occasion pour moi de rappeler deux principes fondamentaux du cadre réglementaire de la grève. D’abord, je dirai que la grève est un droit constitutionnel reconnu aux travailleurs ; mais il se trouve aussi que cette pratique est encadrée par la loi.
Ensuite, la grève implique aussi l’observation du service minimum, si besoin, sur réquisition de l’inspecteur du Travail. Mais dans le cadre de ce qui se passe actuellement à la SNPT, les responsables syndicaux ont choisi tout simplement de ne pas observer ce service minimum que leur impose la législation du travail. Ce qui est vraiment dommage !
Afreepress.info : Bien dommage, mais, ne comprenez-vous pas les syndicats qui soutiennent que leurs revendications sont soumises depuis déjà 2 ans et qu’un début de solution devrait être apporté ?
Michel Abalo Kezié : Soyons réaliste ! Depuis 2007 où la SNPT est créée, la direction générale, en accord avec le conseil d’administration et le conseil de surveillance a consenti beaucoup d’efforts pour améliorer les conditions de travail, quand bien même les niveaux de production espérés ne sont pas encore atteints.
Pour preuve, entre 2010 et 2012, la production a augmenté de 75% et la masse salariale a bondi de plus de 70%, avec une augmentation salariale (salaires et primes diverses) de plus de 55% durant la même période.
1,6 milliard au titre de la retraite complémentaire ont été apurés à la demande du Gouvernement alors que c’est au défunt OTP que ce montant aurait dû être réclamé.
L’assurance maladie et la retraite complémentaire ont été étendues à tout le personnel de la SNPT. Les résultats financiers actuels sont satisfaisants contrairement aux résultats déficitaires de l’OTP-IFG.
Les deux primes (rendement et production) que réclament les syndicats et qui me semble-t-il sont les principaux sujets de leurs revendications, j’ai personnellement engagé des pourparlers avec les syndicats depuis 2014, mais fort malheureusement, ils ont choisi quitter la table des échanges sans qu’un rapport des points de divergence et des points de convergence n’ait été arrêté. Malgré cela, la direction générale de la SNPT, continuait pas faire des efforts pour payer certaines primes exigées. Les syndicats ont tout simplement choisi la voie du radicalisme en lançant 2 semaines de grèves. L’arbitrage fait par le chef du gouvernement et le ministre de tutelle n’a encore rien donné vu que les syndicats ont maintenu toujours leurs positions.
Afreepress.info : Est-ce la meilleure formule quand on apprend que le Conseil d’administration envisagerait de fermer l’usine…
Michel Abalo Kezié : Si, c’est une solution extrême reconnue par le droit du travail. En cas de persistance de la grève, la loi autorise l’employeur à procéder au lock out. Le lock out permet à la direction générale de préserver les équipements sous bonne garde. Car dans une période difficile comme celle-ci et surtout sans service minimum, on peut craindre le pire dans la gestion des équipements.
Des vols ont déjà été perpétrés lors de grèves précédentes et nous ne pouvons pas nous permettre une telle situation. 80 milliards CFA investis ne doivent pas être remis en cause par ces mouvements de grève. Voilà pourquoi les instances supérieures de la SNPT envisagent cette solution de lock out qui peut intervenir à tout moment en conformité avec la législation du travail en vigueur.
On n’en ait pas encore à cette étape, mais ce sera une solution extrême si la situation actuelle perdure.
Afreepress.info : Quels sont les impacts de cette longue grève…
Michel Abalo Kézié : Cette grève met en difficulté la SNPT vis à vis des fournisseurs et influe sur le règlement des salaires.
Le conseil d’administration a pris des dispositions pour arrêter et annuler les commandes inutiles, des doubles commandes et des doubles payements qui s’élevaient à des milliards.
En investissements propres, la société a déboursé 80 milliards pour le renouvellement de son outil de production et de ses installations stratégiques dans un environnement difficile.
Cet environnement difficile se caractérise au plan international par l’effondrement des cours du phosphate qui sont passés de près de 200 dollars par tonne à moins de 90 dollars la tonne.
A cet environnement international difficile s’ajoute les difficultés internes marquées par : les vols de matériel et des hydrocarbures, les sabotages et une mauvaise ambiance suivie de la démotivation de certains agents.
Afreepress.info : Que répondez-vous aux syndicats qui pointent du doigt un détournement de plus de 5 milliards des caisses de la SNPT citant le rapport ITIE 2012…
Michel Abalo Kezié : C’est vraiment fantaisiste tout ça ! La clarification sur cette somme avait été déjà faite suite à une séance de travail organisée le 29 décembre 2014 entre la SNPT et secrétariat technique de l'ITIE Togo et le Commissariat des douanes et des droits indirects (OTR) a même certifié la régularité des opérations de versement.
Tout simplement, il s’agit, des déclarations en douane dans SYDONIA qui s’élevaient à 257.880.261 de droits et taxes. Celles manuelles du bureau de douane de Kpémé s’élevaient aussi 1.614.693.566 francs. A cela s’ajoutaient les avances sur dette de la SNPT envers l'Etat d’un montant de 3.700.000.000. Le total de ces sommes fait 5.572.573.827F CFA et c’est ça les gens évoquent en parlant de détournement à la SNPT.
Afreepress.info : Alors, quel message souhaiteriez-vous délivrez aux syndicats ?
Michel Abalo Kezié : Mon seul mot, c’est leur sens de responsabilité. La SNPT vient de loin, de très loin. En 2008, les pouvoirs publics ont dû procéder à des licenciements massifs pour relancer la machine et je crois que les efforts consentis jusqu’à ce jour méritent d’être reconnus. Donc, c’est l’occasion de les appeler à reprendre les discussions et le travail.
Il faut rappeler à tout le monde que la production du phosphate a connu une chute sous la société otp-IFG et avait une ardoise de 56 milliards de dette.
Pour redonner une bouffée d’oxygène à la filière, le chef de l'Etat, Faure Gnassingbé a fait appel au consultant international Raphy Edery pour aider la société à sortir de l’impasse.
Aujourd’hui, grâce à son appui et à son assistance, la SNPT a pu trouver les moyens financiers, à stabiliser ses comptes et à continuer à produire pour la vente dans les conditions meilleures que les précédentes années.
Interview réalisée par M. Martin