©Afreepress-(Lomé, le 09 mai 2016)- Le 13 mai prochain est une date importante pour le Conseil National des Patrons de Presse (CONAPP). L’organisation tient à Lomé son Assemblée générale ordinaire qui verra le renouvellement de l’actuel bureau exécutif dirigé par Jean-Paul AGBOH-AHOUELETE, Directeur de Publication du journal Focus Info. A quatre (4) jours de cet important rendez-vous pour la presse togolaise, l’Agence de presse Afreepress a tendu son micro au président en exercice du CONAPP pour savoir ce qui a été déjà fait dans l’intérêt de la presse togolaise et les projets à venir. Le président sortant et certainement candidat à sa propre sucession, se confie dans cette interview et parle des projets exécutés au cours de ces deux années d’exercice, sa lecture de la situation des médias au Togo. Il profite pour soumettre sa propre analyse de l’élection par l’Assemblée nationale, de quatre des neuf membres de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) et de la polémique autour de l'élection de Zeus Aziaouvo, Directeur de publication du quotidien Liberté.
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Afreepress : Bonjour monsieur Jean-Paul AGBOH-AHOUELETE. Vous êtes le président du Conseil National des Patrons de Presse (CONAPP). Votre association tient le 13 mai prochain son Assemblée générale ordinaire devant mener au renouvellement des instances dirigeantes. Dites-nous combien de membres compte aujourd’hui le CONAPP et comment devient-on membre ?
Jean-Paul AGBOH-AHOUELETE : Les conditions d’adhésion au Conseil National des Patrons de Presse sont des plus simplifiées. Il faut être majeur et jouir de ses droits civiques, être promoteur, dirigeant ou responsable d’un organe de presse régulièrement enregistré auprès de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). L'intéressé doit remplir une fiche d'adhésion au secrétariat de l'association et payer un droit d'adhésion d’un montant de dix mille francs (10.000F) CFA.
La demande doit être acceptée par le Bureau Exécutif qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire. A défaut de réponse dans un délai de quinze jours suivant le dépôt du bulletin d’adhésion, la demande est réputée avoir été acceptée. En cas d’acceptation, une carte de membre est délivrée à l’adhérent. Le Bureau Exécutif est tenu d’informer l’Assemblée Générale suivante, des nouvelles adhésions.
La demande et la satisfaction aux conditions requises n’entraînent pas automatiquement l’adhésion du postulant. Le Bureau Exécutif peut, par avis motivé, refuser une adhésion. La décision de refus est signifiée au postulant au plus tard un (1) mois après sa demande adressée au Bureau Exécutif accompagnée de ses droits d’adhésion. A ce jour, et sous réserve de l’enregistrement des adhésions en cours, nous sommes plus de 85 membres.
Quel est le bilan du travail accompli pendant ces deux dernières années par le bureau que vous dirigez ?
Tout au long de ces deux dernières années, le Bureau Exécutif sortant s’est investi à redynamiser l’organisation et lancer de nombreux chantiers au bénéfice de nos membres. Nos actions sont ainsi allées essentiellement dans six (6) directions.
1- Les réformes structurelles :
Lors de l’Assemblée générale élective d’avril 2014, de nombreuses faiblesses dans les dispositions des statuts régissant l’organisation se sont révélées. Pour les corriger, nous avons convoqué deux (2) mois après notre élection, une assemblée générale extraordinaire qui a permis de réviser ces statuts et de nous doter de nouveaux, plus conformes à l’exigence de notre époque et correspondant aux aspirations de nos membres. Nous avons également adopté un règlement intérieur qui jusque-là, n’existait pas. En outre, en vue de rendre son fonctionnement plus efficient et dans le souci d’associer davantage les médias de l’intérieur aux activités de l’organisation, des points focaux ont été installés dans les 5 régions économiques du pays.
2- La visibilité :
Pour renforcer les liens avec ses membres ainsi que ses partenaires, mais également donner de la visibilité à ses activités, l’organisation a créé un bulletin d’informations trimestriel dénommé CONAPP MAG, un site internet de même qu’un compte FACEBOOK.
3- Le renforcement des capacités :
La formation et le renforcement des capacités font partie du plan d’actions du bureau élu en avril 2014. Plusieurs séminaires et ateliers de formation sur diverses thématiques ont été ainsi organisés.
- Le 2 octobre 2014, un atelier sur le thème : « Gestion et Leadership d’Entreprise, Pratique de l’Intelligence Economique » à l’Agora Senghor à Lomé avec une quarantaine de patrons de presse
-du 28 au 30 octobre 2014 à Kpalimé, un séminaire de réflexion sur le thème : «Journalisme - Nécessité d’un professionnalisme » a regroupé patrons de presse et chefs de rédaction.
-Courant mois d’octobre, le CONAPP en collaboration avec le Programme d’Appui au Développement du Secteur Privé (P.A.D.S.P) a lancé des offres de formation au profit des patrons et employés des organes de presse membres du CONAPP. La première vague de formation s’est déroulée en janvier 2015.
- Avec l’appui de l’agence « A Présent », un atelier photo en Janvier 2015 ouvert aux responsables d’organes ou aux membres de leur rédaction a été organisé et connu la participation de 15 reporters à l’Agora Senghor.
-Dans la perspective de l’élection présidentielle de 2015, un atelier à Kpalimé sur le thème : « Processus électoral mieux le comprendre et mieux le restituer » a été organisé au profit d’une quarantaine de patrons de presse.
-En prélude au sommet sur la sécurité maritime, un atelier d’échange et de renforcement de capacité sur le thème : « Place de l’espace maritime dans les échanges internationaux et son enjeu pour le Togo ». Une cinquantaine de participants patrons et rédacteurs en chef en ont bénéficié du 15 au 17 juillet 2015 à Kpalimé.
-Un atelier de formation et de rappel des techniques journalistiques a été organisé en novembre 2015 avec comme formateur, un rédacteur en chef de TV5 Monde, au profit des reporters.
4- Défense des intérêts des organes de presse
Le Bureau Exécutif a initié des démarches allant dans le sens de règlement de conflits, litiges, ou malentendus entre certains organes de presse et des sociétés. Il s’agit des affaires :
-Togotelecom et ses partenaires où le CONAPP a œuvré pour la préservation des intérêts des médias. Une entente avec la société a contribué à éviter la suspension des contrats en cours et à débloquer le payement des arriérés.
- La CENI et les médias : Le BE a également approché la CENI pour le payement du reliquat dans le cadre du contrat avec les médias lors des législatives de 2013. Même si la démarche n’a pas aboutie, elle a tout de même permis de comprendre les raisons du non payement.
- BUTODRA et les médias audiovisuels : Dans le souci d’accompagner ses membres dans le règlement de leurs arriérées de redevances de droits d’auteur vis-à-vis du BUTODRA, le CONAPP après plusieurs démarches a réussi à arracher un protocole d’accord avec l’institution le 2 septembre 2014. Cette clause qui malheureusement n’a pas été respectée par la plupart des médias, a permis quand même à ceux-ci d’échapper à la menace de mise en demeure qui planait sur certaines radios et télévisions.
5-Amélioration des conditions d’exercice
Dans le souci de garantir des soins de santé de qualité à ses membres, une convention tripartite Conapp-clinique internationale Dr Kodom et l’ONG Aimes Afrique a été signée le 10 mars 2016. Cette convention prévoit notamment la prise charge médicale partielle (20%) des patrons de presse, de leur conjoint et de leurs enfants. La mise en œuvre a démarré à compter de ce mois de mai 2016.
En dehors de ces deux initiatives, une commission technique a été mise en place afin de plancher sur un système de couverture maladie et de régime vieillesse. Tandis qu’une autre a élaboré des propositions pour la mise en place d’une messagerie.
6- Participations actives au grands rendez-vous
Le CONAPP a pris l’initiative d’une plateforme dans le cadre des Etats généraux de la presse en juillet 2014 à Kpalimé. Ce qui lui a permis d’impacter dans une large mesure les résolutions issues de ces états généraux. Le CONAPP a d’ailleurs un représentant au sein du comité de suivi chargé de la mise en œuvre des recommandations des états généraux de la presse togolaise.
- le CONAPP dans une démarche inclusive, a organisé les premières Journées Portes Ouvertes de la presse togolaise. La première édition a eu lieu en décembre 2014 et la seconde le mois de décembre de l’année suivante avec à la clé une cérémonie de distinction des vieilles gloires de la presse togolaise.
- dans le cadre de l’élection présidentielle et pour permettre aux différents médias d’assurer une meilleure couverture de la campagne électorale, le CONAPP a initié un projet de « plate-forme de collecte, de traitement, de stockage, de gestion et de mise à disposition de l’information au profit des médias nationaux et internationaux. » Financé par les Nations-Unies, ce projet a permis au CONAPP de déployer sur toute l’étendue du territoire, 52 reporters. Voici, sans être exhaustif, la substance de ce qu’a été notre action ces deux dernières années.
Le Togo a célébré le 3 mai passé, la Journée mondiale de la Liberté de presse. En votre qualité de patron de presse, quel diagnostique faites-vous de l’état de la presse togolaise ?
Pour répondre en quelques mots, je dirai « peut mieux faire ». Cette année, le Togo a perdu 8 places dans le classement RSF de la Liberté de la Presse dans le monde. Le récent Code Pénal et le fameux article 497 qui a fait couler beaucoup d’encre y est sans doute pour quelque chose. Malgré tout, le cadre légal dans notre pays reste l’un des plus libéraux. Il faut s’en féliciter et continuer à se battre pour le préserver et le renforcer. Cette indispensable liberté de presse ne peut s’exonérer et n’aura de sens qu’avec le principe de responsabilité.
La presse togolaise a besoin d’être davantage professionnelle. D’où la nécessité de la mise en place d’un plan de formation et d’un mécanisme de recyclage. Elle a besoin également davantage de ressources. Pour ce faire, elle devra passer de l’informel au formel, et mieux s’insérer dans le tissu socio-économique, en se considérant comme une entreprise avant tout. Avec sa spécificité et un produit particulier, mais tout de même une entreprise avec ses exigences et ses règles.
Nombreux sont ceux qui pointent du doigt la dégradation des relations entre journalistes et l’utilisation des colonnes des journaux comme instruments de règlements de comptes entre confrères. Que peuvent faire les organisations professionnelles de la presse pour mettre fin à un tel phénomène ?
Elles ont un rôle important et primordial à jouer pour ne pas laisser la situation se dégrader et aboutir à des situations irrécupérables. La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication doit assumer pleinement son rôle de régulateur et être davantage diligente pour rappeler à chacun les règles élémentaires qui gouvernent notre profession. Les garde-fous sont là, il faut les indiquer et ne pas donner l’impression de se taire, pire, d’encourager le règne de la jungle.
L’Observatoire Togolais des Médias (OTM) doit y prendre sa part également en contribuant à la préservation d’un climat de confraternité. Les différentes organisations devront elles aussi rappeler à l’ordre leurs membres, dans l’intérêt de tous, lorsque les bornes sont dépassées. Mais plus que toutes ces organisations, c’est à chaque professionnel de respecter les règles et les exigences de la corporation dans laquelle il exerce. Cela s’appelle de la responsabilité et du respect : se respecter, respecter les autres et le métier qu’on a embrassé.
La HAAC est dans un processus de renouvellement de ses membres et tous les projecteurs sont braqués sur M. Zeus Aziadouvo, élu par les députés en majorité d’UNIR et de l’UFC pour siéger à la HAAC. Quelle analyse faites-vous de cette élection ?
Je félicite tout d’abord le confrère pour son élection. J’espère que sa contribution permettra à faire faire à la presse, un saut qualitatif dans les 5 prochaines années. Ensuite dire qu’UNIR étant majoritaire à l’Assemblée, il n’y a aucune chance d’être élu à la HAAC sans leur vote. Tous les candidats savaient donc que leur vote serait décisif. Il n’y a donc pas de polémique à entretenir sur le sujet. Les partis politiques sont dans leur rôle avec ces jeux de ping-pong. Ce qui m’intéresse est ce que peut être l’apport des uns et des autres au sein de cette institution.
Selon-vous, doit-on revoir le système de choix des membres de la HAAC pour permettre aux journalistes eux-mêmes et à leurs organisations de désigner par vote, un certain nombre de membres en leurs seins ?
Je crois que le mode de désignation des membres de la HAAC a fait l’objet de recommandations des Etats Généraux. L’idée que les journalistes et les organisations choisissent par vote leurs représentants est un bon compromis. Cependant, à mon avis et cela n’engage que moi et non le CONAPP, il faudrait résoudre deux (2) préalables avant d’y arriver.
D’abord définir et identifier qui est journaliste et qui ne l’est pas. Aujourd’hui, la carte de presse pouvant être celle permettant de reconnaître aux uns et aux autres leur qualité de journaliste, n’est pas une réelle exigence. Dès lors, il sera difficile de définir le collège électoral devant élire ces représentants.
Ensuite reconnaître les organisations susceptibles de soutenir ou de proposer des candidats. A ce jour, il y en a d’innombrables, avec peu ou pas d’activités, certaines même sans membres identifiés. Ce sont donc des réflexions à mener pour parvenir à cette proposition fort pertinente, demandant à la corporation de désigner ses représentants à la HAAC.
Jean-Paul AGBOH-AHOUELETE est-il candidat à sa propre succession lors de l’Assemblée générale du 13 mai 2016 ?
Nous verrons bien. L’essentiel est que le prochain Bureau Exécutif poursuive dans la même dynamique que le sortant et ait un rythme plus accéléré relativement à un certain nombre de chantiers utiles pour la presse togolaise.
Interview réalisée par Olivier A.