©Afreepress-(Lomé, le 12 mai 2016)- Le Mouvement citoyen pour la démocratie et le développement se veut un parti politique responsable et citoyen comme l’indique d’ailleurs son nom. Le président de cette formation politique était la semaine dernière, l’invité politique d’une émission sur la radio City Fm où il s’est longuement prononcé sur les questions de décentralisation et d’élections locales. Voici pour vous, les meilleures séquences des réponses données par Me Mouhamed TCHASSONA-TRAORE au cours de ladite émission.
Lecture.
Bonjour Me Mouhamed TCHASSONA-TRAORE. Vous êtes le président du MCD, parti d’opposition et candidat à la dernière élection présidentielle où vous avez reconnu votre défaite et manifesté plus ou moins votre disponibilité à travailler avec le nouveau gouvernement. Est-ce que vous avez été consulté après lors de la formation de l’équipe gouvernementale ?
Me Mouhamed TCHASSONA-TRAORE : Non, il faut rectifier. Nous n’avons pas dit que nous reconnaissons notre défaite. Nous avons pris acte des résultats qui ont été donnés et nous avons dit que ce qui était important, c’était d’envisager l’avenir avec sérénité. Cette sérénité qui doit nous conduire avec les autres formations politiques à travailler et à faire en sorte que tout ce qui a été à l’origine des ratées que nous connaissons à toutes les élections, nous puissions les corriger pour l’avenir et faire que le Togo sur bien des points, puisse ressembler aux autres nations de la sous-région, et pourquoi pas du monde ? Pour nous il y a eu des ratées mais à quoi ça sert de s’attarder sur ça ? Nous connaissons notre pays, nous n’allons pas nous installer dans une contestation ad-vitam. Il faut plutôt qu’on travaille pour que l’avenir soit meilleur.
Pour vous aujourd’hui, qu’est-ce qui peut aider le Togo à aller de l’avant ?
Aujourd’hui si nous arrivons à régler les questions qui ont été toujours à l’origine de nos divisions, nous aurions fait un très grand pas. Il y a les réformes institutionnelles et constitutionnelles, les élections locales et si nous prenons en main tout ce qui peut constituer la trame de la stratégie gouvernementale à vaincre les problèmes de la jeunesse, c’est-à-dire le chômage, pour les jeunes et donner également les moyens adéquats pour que les structures étatiques qui ont une vocation sociale à aider les populations, puissent fonctionner pleinement. Je veux parler des hôpitaux, je veux parler des écoles… Il y aura quelque chose de gagner déjà.
Le sujet occupe la Une des journaux. Il s’agit de la décentralisation et des élections locales. Le chef de l’Etat multiplie les rencontres avec les chefs traditionnels à ce propos. Quelle analyse en faites-vous ?
Nous avons appris comme tous les Togolais que le chef de l’Etat a rencontré les chefs traditionnels pour parler d’élections locales. Nous pourrons à demi-teinte nous en réjouir. La seule leçon qu’on puisse en tirer c’est que le gouvernement veut à travers cet acte exprimer sa disposition pour qu’une fois, il s’engage à organiser les élections locales. Mais nous aurions voulu que cette rencontre ait pu se tenir avec les acteurs de premier plan que sont les partis politiques. L’essentiel du débat sur la décentralisation c’est avec les acteurs politiques en dehors du fait qu’on veuille régler les questions de délimitation territoriale avec les chefs traditionnels et le ministre de l’Administration territoriale peut se charger de cet aspect. Nous osons croire que cette rencontre n’est que le début d’une série car il faut échanger aussi avec les partis politiques, premiers acteurs concernés par les questions de décentralisation.
Justement, il faut croire que cela n’est que le début et que les échanges vont se poursuivre. Quelle est votre position aujourd’hui par rapport à l’organisation programmée des élections locales ?
Pour nous, elles sont l’une des priorités de ce pays. C’est pour cela que nous nous désolidarisons de certains partis politiques qui pensent que, s’il n’y a pas de réformes on ne peut organiser des élections locales. Nous disons que non. Demander à quelqu’un de choisir entre les élections locales et les réformes, c’est une démarche très hasardeuse parce que pour moi, les deux choses sont des priorités entre toutes les priorités. Il n’y a pas de hiérarchie entre elles et il y a suffisamment d’espace pour nous, acteurs politiques pour revendiquer leur obtention, les unes comme les autres. Organiser les élections locales, c’est essentiel, pour la survie de notre pays.
Le MCD est-il prêt à aller à ces élections à n’importe quelle condition ?
C’est ensemble que nous allons discuter des conditions. Nous allons voir ce qu’on met dans le contenu des élections locales. Les élections locales elles se déclinent à trois niveaux. Il faut qu’on sache si nous sommes dans la même lecture des choses que le gouvernement. S’agira-t-il des régionales, préfectorales ou communales ? Nous devons savoir où le gouvernement veut aller avant de nous décider à aller ou à ne pas aller et si cela est connu, nous devons aussi savoir jusqu’où iront les transferts des compétences ? On n’en sait rien aujourd’hui ! Au niveau régional, au niveau préfectoral et au niveau communal, nous voulons savoir ce que le gouvernement fait pour mettre en place les compétences. Il faut qu’on détermine l’ensemble de ces sujets et qu’on se mette d’accord. Le tout n’est pas d’aller aux élections locales mais nous devons savoir quel type de locales nous voulons faire ? Nous devons également avoir une explication sur la décentralisation. La loi sur la décentralisation a prévu une décentralisation intégrale mais on n’a pas voulu choisir entre certaines localités en laissant de côté d’autres et cela se justifie. Notre constitution garantie l’égalité de tous devant le service public, devant la loi. Il faut qu’on comprenne pourquoi le gouvernement voudrait délaisser certaines parties de notre pays au profit d’autres. S’il y a une raison qui motive cela, il faut qu’on nous explique. Donc tout cela reste des sujets pour lesquels nous voulons avoir un débat de fond avec le gouvernement.
Voilà trois types de débats qui s’imposent aujourd’hui. Quel type d’élections locales allons-nous organiser, à quel niveau ces élections locales se situent et quelles seront les compétences qui seront transférées ?
Avez-vous pu obtenir des réponses à toutes ces questions ?
Nous travaillons pour avoir des réponses. Les élections locales sont importantes pour notre pays et tous les autres pays qui sont parvenus au développement, c’est parce qu’ils ont réussi leurs élections locales.
Les préalables sont en train d’être mises en œuvre. Le gouvernement veut procéder au découpage électoral et à la création de nouvelles préfectures. Que pensez-vous de tout ce qui est fait ?
L’initiative du découpage administratif appartient au gouvernement. Maintenant, quelle est la forme que cela peut prendre ? C’est la forme d’une loi et nous avons l’opposition à l’Assemblée nationale pour cela. Nous faisons confiance à nos amis de l’opposition qui siègent au parlement que le moment venu, ils sauront apprécier ce que le gouvernement propose et faire des propositions dans le but d’améliorer. Mais, nous ne pouvons pas dire que parce que simplement telle ou telle commune a été créée, telle ou telle préfecture a été érigée, alors il y a derrière des relents tribalistes. Non, pas du tout.
Je n’ai pas pour le moment assez d’éléments pour pouvoir analyser. Mais rappelez-vous que pendant les élections dernières, nous avons fait des propositions allant dans sens du redécoupage du territoire. Nous disions que les cinq régions économiques aujourd’hui au Togo n’obéissent à aucun critère objectif. Il faut les redéfinir autour d’un certain nombre d’éléments qui pourraient favoriser le développement de notre pays. Bien sûr, les gens ont tendance à minimiser ce qui fait toujours le problème de ce pays. Les considérations d’ordre ethniques.
Comme si c’était une tare que nous portons. Comme si c’était une maladie. Mais c’est ce que nous avons de réel. On ne peut pas, parce qu’on est Togolais dire que, désormais il y a une langue togolaise ou une ethnie togolaise. On est en train de construire une nation alors on ne peut pas construire cette nation togolaise au détriment de ce que nous avons de réel. Tel est Akposso, il n’a pas choisi d’être Akposso. Il doit en tant qu’Akposso, pouvoir être pris en compte dans tout ce qui est politique publique. Tel est Tem ou Kabyè, ça doit être comme ça.
Mêmes les grandes nations n’ont pas échappé à cette réalité. Prenez la Suisse, prenez la Belgique, prenez le Luxembourg. Ils ont bâti, ils ont construit toutes les superstructures économiques et politiques autour de ces réalités. Ici nous nions, c’est comme si parler d’ethnie au Togo c’est devenu une tare et personne ne veut en parler mais justement, il faut qu’on en parle.
Il y a plus d’une quarantaine d’ethnies au Togo. Est-ce qu’à tous les niveaux les gens sont heureux ? Est-ce que leurs revendications sont prises en compte ? Ces ethnies viennent de quelque part. Mais aujourd’hui quand on prend la ville de Lomé, elle appartient à quelle ethnie ? La ville de Lomé est devenue une mégalopole économique. C’est pour cela que le MCD dit, avec ce que nous voyons, avec l’étendue de la capitale Lomé qui fait plus de 35 Km sur 30 avec une population qui ne dépasse pas le million, il faut réagir. C’est une aberration parce que l’Etat central n’a pas su donner un plan directeur à la ville de Lomé ce qui fait que les services administratifs n’arrivent pas à suivre le développement de la ville. On a du mal à maîtriser le développement de la ville de Lomé y compris les autres grandes villes de l’intérieur du pays et c’est pour cela que le MCD proposait que Lomé soit éclaté en autant de préfectures que nécessaire pour asseoir son développement.
Le Conseil des ministres a fait un travail sur la question du redécoupage de Lomé en préfecture. On a la préfecture d’Agoènyvé désormais.
Ce n’est pas objectif. Mais je refuse de croire que la création de la préfecture d’Agoènyvé obéît simplement à des critères d’ordre ethnique parce que parce qu’à Lomé aujourd’hui, quel que soit le quartier, il y a des gens venant de toutes les localités du Togo. Donc personne ne peut dire que voilà, dans telle localité de Lomé, c’est nous qui sommes plus présents là-bas. Il peut y avoir un préfecture de Bè, parce qu’il y a tout le monde là-bas, quand je vais à Bè, je trouve les gens de chez moi.
Donc pour nous, la redéfinition de Lomé comme une grande métropole politique, dépasse de loin ce que le gouvernement nous propose. Il en est de même de certaines régions du pays. Il y a plus de douze préfectures mais ça ne répond à aucun critère sérieux.
Quand vous prenez la préfecture de Haho avec chef-lieu Notsè, c’est une cité historique. Autour de ces vestiges historiques, on peut bâtir une région fiable. Quand vous prenez Kpalimé, avec ce que cela représente aujourd’hui sur le plan de la diversité végétale, on peut bâtir une économie. Quand vous prenez Badou, autour ce que nous avons comme le café cacao, on peut bâtir une économie. Voilà des vecteurs autour desquels on peut redéfinir les régions économiques du pays.
Vous parlez de l’Assemblée nationale.
Le problème dans une Assemblée n’est pas forcément la règle du nombre mais c’est plutôt la force de l’argumentation. Il faut avoir un argumentaire solide, avec des éléments pour soutenir son argumentaire et le faire savoir. Les journalistes sont là, la société civile est là. Il faut créer le débat et nous disons que nous faisons confiance à nos amis qui sont au parlement pour relever le débat et faire des propositions.
Propos recueillis pars A.G.
Source: Hara Kiri N°39 du mercredi 10 mai 2016