(© Afreepress/ Lomé, le 26 mai)-
Le 14 avril 2012, le paysage politique togolais a été profondément bouleversé par l’annonce de la brusque disparition du Rassemblement du peuple togolais (RPT), ancien parti d’Etat et parti au pouvoir depuis 1969.
Alors réunis en congrès extraordinaire à Blitta (360 km au nord de Lomé), les délégués du RPT décident de l’ouverture du parti aux tendances politiques différentes ainsi qu’aux personnes qui souhaiteraient se joindre au parti fondé par Gnassingbé Eyadema en vue de la mise en place d’une synergie politique plus forte et plus inclusive. On parle alors de la refonte des textes fondamentaux du RPT et on appelle ouvertement à une « union-création » du vieux parti au pouvoir avec d’autres forces politiques.
Ce sera le prodrome de la fin du parti qui a régenté la vie publique des Togolais durant ces 40 dernières années.
Quelques heures après la fin du congrès de Blitta, la dissolution du RPT est prononcée sur les médias. Sur les cendres de l’ancien parti unique, s’érige alors l’Union pour la république (UNIR), qui selon les mauvaises langues, est la propriété privée de Faure Gnassingbé, président de la République du Togo qui peut désormais en disposer comme bon lui semblerait. La page de plus de 40 ans de règne du système RPT vient par cet acte d’être reléguée aux archives de l’histoire.
Après cette mise à mort inattendue du parti baobab, l’Union pour la république (UNIR), la nouvelle formation politique de Faure Gnassingbé tente une OPA sur l’opinion publique togolaise en voulant s’imposer comme seule force politique avec laquelle il faudra désormais compter.
Les rues de Lomé prennent alors une autre apparence et se parent des couleurs bleu-blanc, les couleurs de l’UNIR. De géantes affiches publicitaires de l’UNIR et de son président fondateurs occupent les grandes artères de la ville et la majorité des panneaux publicitaires sont pris d’assaut par les messages du nouveau parti. Une chose qui ne laisse pas indifférents les observateurs de la vie politique togolaise ainsi que bon nombre de citoyens à qui l’Agence Afreepress a tendu le micro.
Que dit la loi sur la publicité ?
La décision N°0003 de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) du 14 avril 2008 portant contrôle de la publicité sur les médias stipule en son article 10 que « le message publicitaire ne doit contenir aucun élément de nature à choquer les convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs, des auditeurs ou des lecteurs.
En tout état de cause la publicité politique est interdite.
La publicité ne doit porter atteinte au crédit de l’Etat ».
Le sujet divise au sein de la HAAC. Certains responsables de cette institution de régulation des médias contactés par l’Agence Afreepress sur la question, soutiennent comme le texte cité plus haut, que la publicité politique est interdite pour les partis politiques sur tout support de communication en dehors des périodes électorales. Ils estiment que le message politique ne doit ni stigmatiser les autres opinions politiques ni leur faire une concurrence déloyale.
Ces derniers soulignent que la HAAC a, dans son domaine de compétence, le contrôle des annonces publicitaires sur d’autres supports de communication telles que les affiches publicitaires, ceci ne concerne que les annonces d’ordre commerciales, relèvent-ils. « La HAAC partage cette compétence avec les municipalités, le ministère de la Sécurité et celui de l’Administration. Ces derniers s’occupent de trouver les emplacement aux affiches tandis que la HAAC, s’occupe de vérifier le contenu des messages à afficher », confie-t-on au sein de cette institution.
D’autres responsables de la HAAC voient dans le battage médiatique opéré par l’UNIR, une sorte de « propagande politique », une forme de publicité qui n’est pas dans les cordes de l’institution coiffée par Biossé Kokou Tozoun. Ceux-ci soutiennent qu’il y a un vide juridique dans le domaine de la publicité politique au Togo et la HAAC, disent-ils, ne dispose pas encore de textes juridiques pouvant lui permettre d’intervenir. « Ce n’est qu’à 90 jours de l’ouverture officielle de la campagne électorale que ces genres d’affiches sont interdites sur le territoire togolais et c’est le code électoral qui intervient », rapportent ceux-ci.
Il faut donc noter que le sujet embarrasse jusque dans les rangs de l’institution de régulation des médias où on a du mal à afficher une position univoque et claire sur la question. Que pensent alors le citoyen lambda ?
Les réactions des Togolais
« Je pense que c’est le culte de la personnalité. On cherche à agir sur la psychologie des Togolais. Heureusement que le Togolais n’est plus dupe et donc les gens comprennent ce qui se passe. C’est aberrant que nous ne soyons pas en campagne électorale et que l’UNIR agisse ainsi », dénonce Kodjo, étudiant à l’Université de Lomé. Pour celui-ci, contrairement à ce qui est avancé par la HAAC, le Togo dispose de lois pour encadrer les choses. Seulement, regrette-t-il, « ceux qui nous gouvernent pensent qu’ils sont au-dessus des lois. Les institutions de régulation de ces genres de comportements ne fonctionnent pas parce que ceux qui dirigent ces institutions sont à la botte du pouvoir ».
« Moi j’appelle cela une violation du code électoral parce que nous ne sommes pas en campagne. C’est ce qui avait cours sous le règne de Gnassingbé père qui continue sous Gnassingbé fils », s’insurge de son côté, Alex, jeune enseignant dans une école privé de la place.
Pour Yves, journaliste de son état, « ces affiches sont une bonne chose. Elles embellissent la ville de Lomé qui était dépourvue d’affiches et d’images. Si d’autres partis souhaitent en faire autant, tant mieux. Prenons l’exemple du PRR qui dispose des affiches dans la ville de Lomé, personne ne trouve rien à redire ! ».
Pour cet autre citoyen, cette question est foncièrement politique. « Chaque parti est libre de se faire connaître et de partager ses opinions. L’UNIR peut faire sa communication librement, c’est son droit », soutient-il.
« Ces affiches sont un peu trop envahissantes. Faure n’a pas besoin d’étaler toutes cette fortune sous nos yeux pour nous convaincre rejoindre son nouveau parti. Ce sera un choix bien mûri. Il risque d’avoir l’effet contraire que l’effet escompté s’il cela continue », prévient de son côté, Elvire, cadre dans une société de la place.
La question divise donc l’opinion des Togolais. Si certains voient dans le laisser-aller qui a cours actuellement dans le domaine de l’affichage des messages politiques dans les rues des villes du Togo, d’autres estiment de leur côté que c’est là l’expression de la liberté reconnu à chaque citoyen togolais ou à chaque parti politique de s’exprimer sans entraves.
Mais est-il bien qu’un parti, fusse-t-il proche de la mouvance présidentielle, dispose des affiches publicitaires partout dans les villes du Togo et en toute période sans risquer de se faire rappeler à l’ordre ? La question reste posée à la HAAC et aux autorités togolaises en charge du domaine.
Afreepress.info/ Olivier A.